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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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abattu un lieutenant du 22ebataillon en pleine rue, à la lueur des réverbères. Selon l’assassin, la victime faisait des cornes à son père ! Des audiences de cette sorte valaient le meilleur théâtre.
    Dans les couloirs du grand édifice, une foule dense rendait la progression difficile. Le jeune homme avançait en multipliant les « Excusez-moi, je travaille pour le bureau du procureur général». Pareille carte professionnelle ne valait pas grand-chose pour faire s’écarter les gens. D’un autre côté, proclamer «Je suis avocat» représentait une usurpation d’identité un peu trop évidente, susceptible de faire sourciller. Quant à emprunter une toge, il n’y songeait même pas.
    A la porte de la plus grande salle d’audience, il joua littéralement des coudes afin de rompre la file d’attente.
    Aucune place n’était vacante dans la salle, ni au niveau du plancher ni dans les galeries. Dans un caquetage de poulailler, il marcha
    jusqu’à
    l’avant,
    questionna
    son
    patron
    du
    regard.
    — Venez à côté de moi, proposa Fitzpatrick. C’est ça, ou vous vous retrouvez à l’autre bout du couloir.
    Maître Arthur Lachance, substitut du procureur général lui aussi, prenait déjà place à la table de l’accusation. A trois, ils se trouveraient un peu à l’étroit. Du côté de la défense, Napoléon Francœur se présentait encore flanqué de son collègue Louis Larue. Le nouveau venu les salua tous les deux.
    Pour le récompenser de sa politesse, les malappris regardèrent ailleurs.
    — Monsieur Fitzpatrick, murmura Mathieu à l’oreille de son patron, vous avez bien reçu la liste de questions... à l’intention de notre petit témoin?
    Finalement, plutôt que de rédiger les grandes lignes d’un interrogatoire afin de préparer la déposition de Marie-Jeanne, le fonctionnaire
    lui
    avait
    proposé
    de
    soumettre
    le
    sien. La nouveauté de l’exercice le laissait un peu inquiet.
    — Elle a été livrée à la maison samedi dernier. J’ai pu la parcourir hier.
    — J’espère que tout vous a semblé convenable.
    — Je n’y changerai pas une ligne... à part bien sûr les effets de ma mémoire défaillante au moment de procéder.
    Je ne me tiendrai pas devant elle avec des feuillets à la main.
    Cela ferait jaser nos adversaires...
    En disant cela, le substitut du procureur se pencha un peu pour adresser un clin d’œil au député plaideur. Le stagiaire commençait à se résoudre à considérer ces quelques mots comme un compliment, quand son voisin se fit plus explicite encore.
    — Vous avez fait un excellent travail, Picard... Vous avez une certaine compétence avec les enfants.
    La précision diminuait la portée du compliment.
    Un vieux monsieur au teint grisonnant entra par une porte dérobée, celle utilisée par les accusés, en poussant un petit chariot. Avec ostentation, comme si l’issue de la procédure tenait à leur disposition sur la table, il plaça un tisonnier, un fer à friser, des manches de hache, de fouet et de fourche, et enfin une solide corde tressée.
    Devant chacune des pièces à conviction, la foule y allait de « Oh ! », de «Ah ! », onomatopées parfois complétées de
    « Ce n’est pas possible », « Quelle horreur», « Ces gens sont des monstres». Malgré l’interdit de publication à l'enquête préliminaire, la rumeur s’enflait dans la ville, une liste de sévices innombrables meublait les imaginations.
    — Celle-là sera difficile, mon ami, lança Fitzpatrick à l’intention de son adversaire, comme s’il s’agissait d’une joute sportive.
    — Tu te souviens de l’histoire de la peau de l’ours ?
    — Pas très bien, je dois l’admettre. Cela dit: «La peau de l’ours qui mange ses enfants ne vaut pas un sou», n’est-ce pas?
    L’autre n’apprécia pas. Il porta plutôt son attention sur le jury, un assemblage hétéroclite de douze hommes « ordinaires».
    A peine entrés dans la salle, ils se distribuèrent selon un ordre mystérieux les sièges situés dans un rectangle découpé par une balustrade. La cause ne serait pas simple, ces gens passeraient beaucoup de temps ensemble, au cours des prochains jours.
    — Le choix de ces personnes m’a semblé bien arbitraire, commenta Mathieu à voix basse.
    — Cela tient du coup de dé. J’ai essayé d’éviter des hommes à l’air trop sévère. Mais si cela se trouve, les mines rébarbatives cachent des cœurs d’or et les plus souriantes, des tyrans

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