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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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» horrifié parcourut la salle, puis le bruit d’une personne vomissant ses boyaux vint du troisième rang de l’assistance. Mathieu se tourna pour voir un homme blanc comme un drap s’essuyer la bouche et le menton sur la manche de sa veste, en bredouillant, penaud :
    — Excusez-moi, je suis désolé.
    Les habits des deux spectateurs devant lui porteraient désormais les traces d’un petit-déjeuner trop copieux. La chaleur de la pièce surpeuplée, l’odeur des vomissures, les imaginations emballées, tout cela risquait de transforme!
    cet incident en une épidémie.
    — Comme il est presque midi, déclara le juge Pelletier après avoir fait claquer son maillet plusieurs fois, nous allons ajourner. Cela donnera le temps aux préposés de nettoyer et de faire ventiler la salle.
    Pendant que les curieux s’empressaient de sortir dans un brouhaha, Mathieu glissa à l’oreille de son patron :
    — Après cela, je me demande comment la défense va s’en sortir.
    — Ne manquez pas de respect pour notre adversaire. Le vieux garçon n’est pas devenu un député élu par acclamation et le président de l’Assemblée législative pour rien. Il sait se montrer féroce.
    Le jeune homme ravala sa salive en pensant à Marie-Jeanne.

    Chapitre 18

    À la reprise de l’audience, un peu après une heure, de nombreux spectateurs trouvèrent leur place occupée par des personnes plutôt insensibles à l’odeur tenace de vomi.
    Un certain vacarme s’ensuivit.
    — J’étais là le premier, clamait quelqu’un.
    — Je ne vois pas de nom sur la chaise, répondait l’autre.
    — Mais j’étais là, je vous dis. Je suis arrivé parmi les premiers, ce matin.
    — Tant pis, « qui va à la chasse perd sa place ».
    Les vieux dictons ne paraissaient amener aucun apaisement chez les curieux les plus matinaux délogés par des opportunistes.
    Mathieu remarqua la porte réservée au juge entrouverte, la tête grise du magistrat un peu penchée vers l’avant, la mine chargée de reproches. Les désordres de ce genre lui portaient visiblement sur les nerfs, malgré l’air bonhomme adopté lors de l’audience du matin.
    Quand il se dirigea vers le banc, le silence se fit bien lentement, plusieurs tardèrent à se lever devant son auguste présence. Vieil habitué, le docteur Marois gagna la barre des témoins de sa propre initiative.
    — Maître Fitzpatrick, vous en aviez terminé, je pense.
    — Oui, Votre Honneur.
    — La parole revient donc à la défense.
    Francœur quitta sa chaise avec une liasse impressionnante de notes. Quelle que soit l’issue du procès, personne ne lui reprocherait d’avoir négligé la préparation des contre-interrogatoires.
    — Quand avez-vous fait l’autopsie, docteur? Demanda-t-il.
    — Le 13 février 1920, à...
    — Je veux dire à quelle heure ?
    — A quelle heure ? Je crois avoir commencé vers quatre heures, peut-être trois heures et demie. Nous avons fini à six heures.
    Le «Je crois» agaça un peu Mathieu: il se souvenait d’avoir consulté sa montre pour mettre l’heure précise dans le rapport. Le médecin pouvait consulter ses feuillets, il les tenait dans ses mains.
    — Votre Honneur, précisa l’avocat de la défense à l’intention du juge, comme je compte interroger le témoin sur des questions de fait, je vous demande de faire sortir le docteur Lafond. Celui-ci témoignera plus tard sur ces mêmes faits.
    La demande paraissait tout à fait raisonnable. Les per sonnes appelées à comparaître devaient rapporter ce qu’elles avaient vu ou entendu. D’autres récits ne devaient pas teinter le leur.
    — Monsieur Lafond, dit le magistrat, je vous prie de quitter la salle. Vous pourrez revenir quand votre collègue aura terminé.
    Pendant que le praticien obtempérait, le substitut du procureur se pencha à l’oreille de son stagiaire pour lui dire :
    — Tu vois, le scélérat veut placer les deux médecins en contradiction. De plus, regarde la mine fâchée de Marois : il vient de le mettre de mauvaise humeur, car lui aussi comprend le but de cette précaution. Les jurés le trouveront hostile, antipathique. Notre adversaire sait très bien où il va. Avec cet emploi, songea le jeune homme, j’apprends à connaître la mise en scène du théâtre judiciaire, pas des m il ions de droit.» Si ce jeu amusait certains de ses camarades de faculté, lui le trouvait cynique.
    - Où avez-vous fait l’autopsie? reprit Francœur.
    Dans le soubassement de la

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