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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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sacristie.
    — Vous avez fait cette autopsie d’une façon complète ?
    — Aussi complète que toutes les autres.
    Cette réponse paraissait bien imprudente. Elle ouvrait la porte à toutes les remises en question.
    — Très complète ?
    L’avocat se tenait penché un peu en arrière, comme surpris de cette prétention.
    — Tous les organes ont été examinés, répondit le médecin, déjà un peu sur la défensive. Il n’y avait certainement pas
    d’autre
    cause
    de
    mort
    que
    celle
    que
    j’ai
    mentionnée.
    — Avez-vous fait un examen spécial du cerveau ?
    — J’ai examiné le cerveau, je l’ai sorti de la boîte crânienne. J’ai fait des tranches comme on fait habituellement dans toutes les parties
    qu’on
    examine
    à
    l’œil
    nu
    et
    il
    n’y avait rien de particulier. Je n’y ai pas trouvé de pus ni d’abcès.
    Un échange assez long sur les diverses parties du cerveau, du cervelet, des méninges suivit. Les membres du jury ouvraient de grands yeux, totalement ignorants de la nature de la discussion. Assistant à une véritable leçon de choses sur le liquide céphalorachidien, ils parurent craindre que le médecin ne sorte un morceau sanguinolent de sa poche pour mieux se faire comprendre.

    — Avez-vous examiné la moelle épinière ?
    — Non, pas au-delà de la protubérance annulaire, c’est le commencement de la moelle épinière. Je n’ai pas ouvert le canal rachidien pour examiner la moelle dans toute son étendue.
    — Vous n’avez pas ouvert le canal rachidien ?
    Francœur faisait de gros yeux étonnés, comme si pareille négligence lui paraissait criminelle.
    — Non, je ne l’ai pas ouvert.
    — Vous n’avez pas examiné la moelle sur toute la longueur ?
    — Non.
    — Par conséquent, vous n’avez pas pu constater dans quel état étaient les cordons latéraux de la moelle ?
    La surprise, sur le visage de l’avocat, suggérait aux membres du jury que cette omission devait être bien grave.
    — Quand bien même j’aurais constaté l’état des cordons latéraux de la moelle, rétorqua Marois, outré, cela aurait été sans conséquence.
    — Je ne vous demande pas quelles auraient été les conséquences. Je vous demande si vous les avez examinés.
    — Cela n’aurait pas eu de conséquences sur mes conclusions sur la cause de la mort.
    — Qu’en savez-vous ? Vous ne les avez pas examinés !
    Dorénavant, dans l’esprit de toutes les personnes présentes, les
    conclusions
    du
    médecin
    paraîtraient
    douteuses,
    à cause de cette négligence. Le docteur attendit la suite, la mine renfrognée.
    — Donc, vous n’avez pas pu constater dans quel état étaient les cordons latéraux de la moelle ?
    — Puisque je n’ai pas examiné la moelle épinière, je n’ai pas examiné les cordons latéraux.

    — Par conséquent, vous ne pouvez pas nous renseigner sur les différentes maladies qu’aurait pu avoir cette enfant.
    Le constat tomba comme un couperet. Malgré les coups reçus, on ne pouvait plus écarter d’emblée une autre cause de la mort. L’avocat fit un tour complet sur lui-même, pour prendre chacun à témoin de ce constat.
    — Savez-vous, docteur... vous devez savoir... enchaîna-t-il avec un peu d’ironie.
    — C’est possible que non.
    — ... J’ose croire qu’après de si longues années de pratique, vous savez qu’il existe un très grand nombre de maladies de la moelle épinière ?
    — Ah ! Oui, bien sûr.
    Revenu en terrain connu, le médecin montra un regain d’assurance. C’était plutôt naïf de sa part.
    — Certaines de ces maladies causent des plaies à la peau, affirma l’avocat, particulièrement aux membres inférieurs.
    — Oui, mais pas des plaies de la nature de celles observées sur le cadavre.
    — Mais si vous n’avez pas examiné la moelle épinière, vous ne pouvez faire ce constat hors de tout doute. Votre autopsie est incomplète.
    — Peut-être est-elle un peu incomplète. C’est possible.
    Le substitut du procureur général se déplaça vivement sur sa chaise, puis laissa échapper entre ses dents : « L’idiot, tout le travail de la matinée est maintenant détruit. » « Et avec lui, conclut mentalement Mathieu, le principal argument de l’accusation ! »
    — Vous êtes un homme d’expérience, docteur Marois.
    Pour être très clair, je vais vous lire ma prochaine question: Dans une autopsie, n’est-il pas essentiel de faire l’examen de la moelle épinière, et pour ça, d’ouvrir le canal

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