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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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rachidien ?

    — Cela aurait peut-être été mieux, je l’admets. Mais ça ne se fait pas habituellement et je connais beaucoup de mes confrères qui ne l’auraient pas fait.
    — Ce n’est pas une réponse, ça.
    — Bien, c’est ma réponse. Il n’y a pas eu de négligence de ma part. J’ai fait ce que l’on fait d’habitude.
    De nouveau, cela paraissait un argument bien douteux, peu susceptible d’impressionner les jurés.
    — J’ai observé tout ce qu’il fallait pour déterminer la cause de la mort, se défendit encore le médecin. Même si vous insistez sur l’absence d’un examen de la moelle épinière, ça ne peut pas avoir de conséquences sur le résultat, car les blessures ayant causé la mort venaient des coups reçus, pas d’une maladie quelconque de la moelle ou d’un autre organe.
    — Je ne vous ferai pas changer d’opinion là-dessus ?
    — Non, c’est certain.
    Après avoir admis le caractère incomplet de l’autopsie, l’affirmation devenait un peu péremptoire. L’avocat de la défense revint à la charge.
    — Cela, c’est une opinion, pas un fait. Moi, je suis d’une opinion contraire. Comme votre autopsie est incomplète, vos conclusions sont contestables. Elles traduisent une simple opinion.
    — ... Elle est peut-être incomplète à ce sujet, mais j’ai trouvé la cause de la mort.
    — Vous changerez peut-être d’opinion là-dessus à la fin de mes questions.
    — Non, je ne changerai pas !
    Marois se présentait maintenant comme un vieil homme têtu, peut-être borné. Les jurés jetaient sur lui des regards soupçonneux. Les témoins experts présentaient habituellement la même assurance un peu arrogante, tous multipliaient les affirmations
    sans
    nuances.
    L’avocat
    de
    la
    défense
    choisit de s’en moquer un peu.
    — Même si vos conclusions sont arrêtées, allez-vous tout de même me permettre de poser d’autres petites questions ?
    — Ah ! Tant que vous voudrez.
    Pendant de longues minutes, la conversation porta sur les conséquences funestes de se gratter. Des ongles et des mains sales, ou un environnement souillé, pouvaient induire une infection de plaies à vif.
    Puis, un changement abrupt de sujet fit sursauter Mathieu.
    — Avez-vous examiné les organes génitaux de l’enfant?
    — Oui, ils n’avaient rien.
    — Avez-vous examiné la vulve ?
    — Oui.
    — L’hymen ?
    — Oui.
    — L’utérus et le vagin ?
    La nomenclature lassa le médecin. Il se résolut à se faire explicite.
    — J’ai parfaitement examiné ces organes, je vous assure.
    Il n’y avait rien de ce côté-là.
    — Est-ce que l’hymen était intact?
    La réponse pouvait faire passer la victime pour une salope. Aux yeux de tous ces bien-pensants, un hymen rompu donnerait raison au couple de l’avoir châtiée sévèrement, même au prix de la vie de l’enfant.
    — Oui, s’impatienta le praticien.
    — Vous êtes positif?
    — Tout à fait.
    — Le docteur Lafond était-il avec vous quand vous avez fait cet examen-là ?
    Albert Marois réfléchit un instant.

    — Il était là, précisa-t-il, mais je ne peux pas dire si j’ai attiré son attention sur ce fait.
    — Avez-vous examiné le clitoris ?
    — Pas particulièrement.
    — Vous ne l’avez pas examiné spécialement?
    Les ouvrages de médecine, à cet égard, convergeaient avec ceux de morale : un clitoris trop développé témoignait d’une pratique de la masturbation. L’onanisme répugnait tellement aux médecins que certains bricoleurs concevaient des ceintures de contention pour attacher les mains des enfants sur leur ventre ou au niveau des hanches, pour les empêcher de se toucher «là». Une inclination trop assidue à abuser de leur propre corps pouvait même conduire des adolescents des deux sexes à l’asile d’aliénés.
    — Je n’ai pas fait d’examen spécial du clitoris, admit Marois. J’ai fait un examen d’ensemble de ces organes, rien de particulier n’a attiré mon attention.
    — Dans quel état étaient les organes génitaux internes ?
    — Elle avait un petit utérus, absolument infantile, de la grosseur ordinaire, de même que les annexes. Il n’y avait rien de singulier là, tout était absolument normal.
    — Il n’y avait pas de lésion périutérine ?
    Francœur cherchait à présent des traces de maladies vénériennes. Même avec un hymen intact, la présence d’une infection serait la preuve d’une activité sexuelle.
    — Aucune.
    — Vous avez constaté ça ?

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