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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de prononcer un mot. Mathieu eut presque envie de s’excuser de l’avoir autant troublée.

    *****
    Avec la portière debout derrière lui, Mathieu ne pouvait se montrer bien explicite. Il demanda à la téléphoniste d’être mis en communication avec les bureaux administratifs du grand magasin PICARD. La chance lui sourit: Flavie répondit à la troisième sonnerie.
    — Le bureau de monsieur Edouard Picard, j’écoute.
    — C’est moi. Je peux te voir ?
    Elle n’eut aucun mal à reconnaître sa voix.
    — Je suis encore au travail... formula-t-elle à voix basse.
    Nous sommes jeudi...
    Ce jour-là, le commerce ne fermait jamais avant huit heures le soir, parfois neuf. Toutefois, elle risquait peu de se voir mobiliser aussi tard.
    — Je me trouve à Lévis. Il me faudra environ une heure avant de te rejoindre.
    — ... La journée a été si difficile ?
    Le timbre de la voix contenait une grande sollicitude.
    — Terrible. En plus, je meurs de faim.
    C’était un pieux mensonge. En réalité, il ne pourrait rien avaler.
    — Je serai dans le petit restaurant de la rue de la Couronne.
    Il s’agissait du lieu de leur premier rendez-vous, plusieurs mois plus tôt.
    — Cela me donne une bonne raison de me presser de revenir. À tout à l’heure.
    Après un dernier salut au cerbère, Mathieu s’engagea en direction du quai au rythme de la marche forcée. À Québec, il lui fallut contourner la falaise pour regagner la paroisse Saint-Roch. A son arrivée au lieu du rendez-vous, la jeune femme se trouvait seule à une table, penchée sur son assiette.
    — Bonsoir. Je suis content de te voir, affirma-t-il en lui tendant la main.
    Il aurait aimé la serrer contre lui, lui dévorer les lèvres.
    Cela ne se faisait pas, surtout dans ce quartier où Flavie risquait de rencontrer des connaissances.
    — Moi aussi. Tu te fais rare, depuis quelques semaines.
    Le reproche venait avec un sourire. Elle lui abandonna ses doigts un bon moment.
    — Je sais. Cette histoire me force à négliger mes cours, ma famille, et surtout toi.
    Dernière dans la nomenclature, elle ne s’en formalisa pas trop. Son désir de la voir à tout prix, ce soir, la rassurait sur sa place dans son cœur.
    — Nous ferions mieux de nous asseoir, souffla-t-elle.
    Les gens nous regardent.

    Mathieu commanda son repas. La marche lui avait rendu son appétit. En attendant d’avoir l’assiette devant lui, il entreprit de raconter dans les grandes lignes le témoignage de Marie-Jeanne.
    — Cet avocat a le droit de faire cela ? Je veux dire, essayer de ruiner la réputation d’une petite fille ?
    — Elle peut conduire sa cliente à l’échafaud.
    L’allusion à la pendaison amena Flavie à écarquiller ses beaux yeux.
    Bien
    sûr,
    tout
    comme
    son
    compagnon
    si
    impliqué dans l’affaire, elle préférait voir le verdict comme la fin ultime, pas la sentence, moins encore l’exécution.
    — En la discréditant, expliqua le jeune homme, il affaiblit la portée de son témoignage. C’est son dernier recours.
    Pendant le repas, la conversation porta sur la performance plus amusante de Georges, si heureux de retrouver enfin les gens de sa paroisse. Un peu après neuf heures, bras dessus, bras dessous, ils marchèrent lentement vers la maison de chambres de la rue Saint-François. Sans se consulter, ils passèrent tout droit pour demeurer un peu plus longtemps ensemble.
    — Excuse-moi d’avoir insisté à ce point pour te voir, tout à l’heure. Mais toute cette histoire me pèse beaucoup.
    — Le motif n’est pas bien flatteur pour moi, mais je suis heureuse de t’apporter un peu de soulagement.
    Elle se tourna pour lui adresser un sourire narquois.
    — Car mon charme ne suffit pas à te ramener à moi. Tu dois invoquer cette affreuse histoire ?
    C’était presque une invitation. Le couple passait devant l’encoignure d’une porte. Mathieu entraîna sa compagne dans un coin sombre, posa ses lèvres sur les siennes. Elle se montra réceptive, accepta sa langue dans sa bouche mais quand sa paume se referma sur un sein menu, elle se recula en susurrant :
    — Non, là tu vas trop loin.
    Flavie le repoussa doucement, ses deux mains bien à plat sur sa poitrine.
    — ... Excuse-moi, souffla son compagnon, un peu penaud.
    — Non, c’est à moi de m’excuser. Mes paroles ont pu te laisser croire... à une autorisation.
    Cela revenait un peu au jeu de la douche écossaise : la chaleur suivie du froid.
    — Je te désire, confessa Mathieu,

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