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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de la table, Marie suggéra :
    — Vous n’allez pas gâcher un excellent repas en discutant de cette horrible histoire, n’est-ce pas ?
    Un sourire attristé soulignait l’effort de censure. Depuis dix jours, la marchande refusait de poser les yeux sur un journal, et elle demandait aux membres de la maisonnée de ne pas laisser traîner de copie dans l’appartement. Même Gertrude se pliait à cette exigence. Les épluchures de pommes de terre se retrouvaient maintenant invariablement dans les feuilles de L'Action catholique. La réticence de l’organe de l’archevêché de Québec à faire de la place aux faits divers lui valait ce regain de popularité dans la demeure.

    — Marie, avança Flavie après un silence un peu gêné, je suppose que Thalie achève son année à l’université ?
    La visiteuse avait abandonné le «Madame » un peu trop pompeux, pour conserver toutefois un vouvoiement empreint de respect.
    Le
    nouveau
    sujet
    de
    conversation
    ramena un franc sourire sur le visage de la maîtresse de maison.
    — Il ne lui reste que quelques examens, et après elle sera ici pour l’été.
    Après une brève pause, elle reconnut :
    — Je suis une mère un peu possessive. Je sais bien que je devrais laisser ces deux-là s’envoler.
    Du regard, elle englobait son fils dans le pluriel.
    — D’un autre côté, nous sommes si adorables, se moqua Mathieu.
    Personne ne contesta cette prétention.
    — Commencera-t-elle tout de suite au Jeffery’s Hale ?
    demanda Paul, pour alimenter la conversation.
    — Le 12 mai. Cela ne lui laissera pas bien longtemps pour se reposer.
    Très vite, la conversation porta sur la préparation du mariage de Françoise. Selon la tradition, la cérémonie devait se dérouler
    dans
    la
    paroisse
    de
    la
    jeune
    fille.
    Même si les coûts les plus importants incomberaient à Paul Dubuc, les Langlois fronçaient déjà les sourcils sur la dépense supplémentaire. Il leur faudrait assumer le transport vers Rivière-du-Loup
    et,
    très
    probablement,
    une
    nuit
    à l’hôtel.
    Mathieu farfouilla dans son assiette pendant tout cet échange, alors que la promise répondait aux questions d’une voix timide.
    — Vous avez trouvé où vous loger ? questionna Amélie.

    Autant le fiancé, Gérard, lui paraissait sans intérêt, autant l’idée de se mettre en ménage avec un homme séduisait la jeune fille. Que ce soit avec une personne de condition plutôt modeste ajoutait à ses yeux une touche de romantisme à l’affaire.
    — Nous avons vu deux appartements convenables dans le
    quartier
    Saint-Jean-Baptiste.
    Nous
    donnerons
    une
    réponse demain. Cet après-midi, nous irons marcher un peu de ce côté, pour reconnaître les lieux.
    Prudent, Gérard désirait vérifier la distance entre son futur domicile et l’école primaire la plus proche. L'homme entendait ne rien laisser au hasard. Ce trait de caractère rassurait plutôt Françoise.
    — Maman regrettera de se voir privée de sa meilleure vendeuse, remarqua Mathieu.
    Après une pause, il ajouta un ton plus bas :
    — Bien sûr, Amélie, tu comptes dans une catégorie spéciale. Tu es certainement la meilleure, dans celle-là.
    La blonde eut un rire joyeux.
    — Je ne veux pas savoir laquelle. J’aime mieux imaginer.
    Après un court silence, Françoise annonça enfin:
    — Je ne compte pas abandonner mon emploi tout de suite. Pas avant de...
    Elle n’osa pas dire «tomber enceinte», tant le sujet lui semblait intime. Après tout, les journaux n’évoquaient jamais la grossesse de Marie-Anne Houde autrement qu’avec les mots «un état intéressant».
    — Je m’estime bien chanceuse de pouvoir compter sur toi, déclara Marie avec sincérité.
    Paul Dubuc laissa échapper un soupir discret. Il essayait de ne pas trop penser à ce mariage comme à une mésalliance. Mais que sa fille conserve son emploi après la noce le laissait perplexe. Ce couple s’engageait dans la vie avec-bien peu de ressources.

    *****
    Le lundi suivant, l’atmosphère de la cour différait subtilement.
    Cette
    femme
    avait
    fait
    mourir
    sa
    belle-fille
    de
    mauvais traitements, personne ne le niait plus. Une seule interrogation demeurait: était-ce à cause de sa folie ou de sa méchanceté ?
    En prenant sa place à la table des avocats de l’accusation, Arthur Fitzpatrick s’étonna un bref instant de l’absence du stagiaire. Son collègue Lachance précisa avec un sourire narquois :
    — Le gamin se trouve à son cours de droit

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