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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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habitué à ce genre de témoignage, rectifia tout de suite.

    — Monsieur le juge, j’ai demandé à l’inculpée: «Dans votre jeune âge, avez-vous déjà souffert de maladies sérieuses ? » Sans aucune suggestion de ma part, elle a répondu tout de suite: «A l’âge de douze ans, j’ai souffert de méningite.»
    Elle a décrit ses symptômes comme de graves maux de tête.
    — Vous pouvez continuer, dit le magistrat.
    — Elle a affirmé avoir des menstruations douloureuses. Quand je lui ai demandé comment se déroulaient ses grossesses, elle a mentionné les troubles de perception et d’humeur évoqués tout à l’heure par mon collègue Prévost. Dimanche, j’ai aussi interrogé son mari, à la prison. Il m’a confirmé la chose. Comme elle a passé sa vie grosse, ou à peu près, ces troubles ont été constants. Je suis tenté d’attribuer son état à la méningite.
    Ce serait, pour le reste de la journée, l’argument premier de la défense. Cette maladie rendait Marie-Anne Houde irresponsable de ses actes.
    — Comment pouvez-vous expliquer cette conséquence ?
    — La méningite peut entraver l’évolution normale des facultés intellectuelles, créer une prédisposition au délire ou des tendances perverses maladives.
    La silhouette noire, dans la boîte des accusés, émit une plainte.
    — C’est dans la preuve, admit encore l’avocat de la défense.
    Quelles sont vos conclusions sur sa responsabilité légale ?
    — Si les faits présentés en preuve sont vrais, si sa méchanceté a varié en fonction de ses grossesses, elle doit aller dans un asile d’aliénés, pas en prison.
    La déclaration précéda l’ajournement jusqu’en après-midi.

    *****
Mathieu revint dans la salle d’audience un peu après dîner. Bientôt, les jurés puis l’accusée retrouvèrent leur boîte respective. L’entrée du juge ramena le silence. Après avoir repris sa place, il commença :
    — Maître Francœur, quel menu proposez-vous maintenant ?
    — Monsieur Télesphore Gagnon témoignera.
    Depuis le fond de la salle, un bruit de chaînes se fit entendre.
    La
    longue
    et
    mince
    silhouette
    du
    cultivateur
    descendit l’allée, des fers aux pieds et aux mains. Derrière la barre, il déclina son identité, son âge, trente-sept ans, et prêta serment sur les Saintes Ecritures.
    — Quand avez-vous épousé l’accusée ? demanda l’avocat de la défense.
    — Il y a deux ans.
    — Pouvez-vous dire l’année ?
    — ... Non.
    L’homme paraissait d’une force remarquable, sa prospérité prouvait ses capacités. Il pratiquait de nombreux métiers avec succès. En même temps, il paraissait bien limité intellectuellement.
    — Combien d’enfants avez-vous eu d’elle ?
    — Trois...
    Il fit un geste près de sa tête et précisa :
    — Je suis un peu sourd.
    L’autre augmenta légèrement le ton pour continuer.
    — Vous dites trois ?
    — Oui. Un est vivant, elle est enceinte aujourd’hui, puis elle a fait une fausse couche.
    Outre ce pari sur l’avenir, l’homme comptait bien. Le juge s’en assura toutefois avec quelques questions supplémentaires.
    — Voulez-vous dire à la cour si l’état de votre femme était le même, pendant ses grossesses ? enchaîna Francœur.
    — Elle est bien différente dans ce temps-là, sous toutes sortes de rapports. Surtout la malice.
    — La malice ?
    L’affirmation méritait d’être explicitée, afin de convaincre les jurés.
    — Alors, elle devient entêtée, on dit buckée.
    — Têtue?
    — Oui. Elle se met à raconter des choses étranges. Je me taisais, pour ne pas empirer la situation.
    — Etait-ce pire lors de sa dernière grossesse ?
    — Oui, monsieur.
    L’avocat suggérait les réponses. Le juge voulut s’assurer de la véracité de l’affirmation.
    — Vous voulez dire qu’il ne fallait pas trop la contredire?
    — C’est ça.
    L’avocat de la défense tenta ensuite de faire dire à son témoin que l’état de son épouse alternait entre des périodes d’abattement et de surexcitation, ces dernières la prédisposant à la violence. Télesphore Gagnon n’y comprit rien. A la fin, Fitzpatrick fit objection à ces suggestions, son collègue renonça.
    La suite prit une tournure inattendue.
    — Avez-vous une fille engagée ? demanda ensuite l’avocat.
    — Non, monsieur.
    — Avec les grossesses, l’entretien de la maison, les travaux de la ferme, cela représentait une tâche bien lourde.
    — Les enfants

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