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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Buteau aimait allonger ses sermons, abreuver ses ouailles de savantes considérations sur la doctrine sociale de l’Eglise.
    À onze heures trente, les paroissiens sortirent enfin, heureux de reprendre leur liberté. Flavie Poitras se présenta bientôt, la mine un peu dépitée.
    —Je serai en retard pour le dîner, et toi aussi, par la force des choses. Jolie façon de se faire remarquer.
    Tout de même, elle lui tendit la main, la lui abandonna un long moment.
    — Nous ne serons pas vraiment en retard... si nous y allons tout de suite.
    Le jeune homme lui offrit son bras. Ils s’éloignèrent sous les regards amusés de plusieurs employées du magasin PICARD. L’idylle attirait des commentaires plutôt sympathiques.
    Aux yeux de ses collègues, elle figurait parmi les chanceuses. Attirer l’affection d’un habitant de la Haute-Ville conduisait
    rarement
    au
    pied
    de
    l’autel.
    Par
    son
    assiduité, celui-là montrait son sérieux.
    Le couple prit place dans un tramway, rue de la Couronne, emprunta une seconde voiture pour se rendre rue de la Fabrique. Finalement, ils descendirent juste devant chez ALFRED. En pénétrant dans l’appartement, ils se trouvèrent devant Marie. Elle commença par embrasser son fils, puis tendit la main à la visiteuse en disant :
    — Mon frère a encore décidé de mettre tout le monde de la paroisse Saint-Roch en retard pour le dîner.
    — ... D’un côté, il a beaucoup à dire, de l’autre, il s’exprime si lentement.
    — Ce ne sera jamais un grand orateur. Heureusement pour lui, ses auditeurs sont forcés de l’écouter, sous peine de la damnation éternelle.
    La liberté du ton, dans cette maison, surprenait la jeune femme. Elle suivit son hôtesse jusque dans la salle à dîner.

    — Je suis désolée, murmura-t-elle en entrant.
    Tous les convives se levèrent de table pour la saluer.
    — Ce n’est pas grave, répondit Amélie. Nous n’avons même pas eu le temps de servir la soupe.
    Son attitude, et surtout son sourire généreux, facilitaient beaucoup les choses à Flavie. Françoise affichait une politesse affectée. Son mariage avec Gérard venait à grands pas.
    Si ce dénouement lui donnait parfois le vertige, elle arrivait tout de même à présenter un visage serein.
    — Tout de même, on va la manger, cette soupe, affirma Gertrude en empoignant la louche, sinon elle sera froide.
    La domestique adressait en même temps un sourire plein de sympathie à la nouvelle venue.
    — Alors de quoi mon frère, ce saint homme, vous a-t-il entretenu si longuement ? demanda Marie.
    — Des syndicats catholiques. Il y aura bientôt la création d’une... confédération.
    — La Confédération des travailleurs catholiques du Canada, précisa le député. Ils ont tenu un premier congrès, l’an dernier.
    Les organisations confessionnelles comptaient quelques dizaines de milliers de membres. La crise de l’après-guerre les avait toutefois éreintés, aussi la naissance d’un grand regroupement se trouvait retardée, de mois en mois.
    — Du côté du magasin, il est question de syndicalisation ?
    demanda Mathieu.
    L’intérêt de l’étudiant pour le grand commerce de la rue Saint-Joseph troublait toujours un peu sa mère.
    — L’abbé Maxime Fortin a organisé des cercles d’études pendant la guerre. Mais il y a peu d’employés masculins...
    Aux yeux de la secrétaire, les unions constituaient une affaire d’hommes. Edouard Picard employait surtout des femmes, pour la plupart jeunes et peu expérimentées. La création d’un syndicat paraissait peu probable, dans les circonstances.
    — Vous le voyez souvent dans le magasin ?
    — L’abbé Fortin? Il vient parfois voir mon employeur.
    Le petit prêtre aux cheveux coupés en brosse fit les frais de la conversation.
    L’ecclésiastique
    devenait
    une
    vedette
    dans la Basse-Ville, auprès des populations ouvrières.
    Le sujet intéressait médiocrement les jeunes filles de lu maison. A la fin, la curiosité devint la plus forte.
    — Cet affreux procès tire à sa fin, je pense, remarqua Amélie pendant que Marie quittait la salle à manger pour aller chercher le plat principal dans la cuisine.
    — Celui de la belle-mère se termine. Ensuite, ce sera celui du père.
    Le changement de stratégie de l’avocat Francœur devait être commenté dans tous les foyers du Québec, en ce jour de congé. Les Picard et les Dubuc sacrifièrent donc à ce nouvel usage.
    En posant la pièce de viande au milieu

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