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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de la famille, je pense. Le dernier avant l’examen de la semaine prochaine.
    Le juge Pelletier regagna sa place, imposa le silence d’un coup de maillet.
    — La parole est maintenant à la défense, déclara-t-il.
    Le rituel d’une cour de justice de tradition anglaise se poursuivait. L’accusation, la «Couronne», en avait terminé avec sa preuve. L’accusée opposerait sa défense. Les jurés décideraient si les pouvoirs publics avaient démontré hors de tout doute raisonnable la culpabilité de la prévenue. Pendant toute la journée à venir, Francœur devrait semer le doute.
    Ce matin, il s’était présenté avec un nouveau collègue, Marc-Aurèle Lemieux, en remplacement du jeune Larue.
    Il commença en disant :
    — Je regrette que le huis clos complet n’ait pas été déclaré au premier jour du procès. Les journalistes auraient été exclus de cette enceinte, nous aurions pu travailler avec la sérénité nécessaire à une bonne administration de la justice. Ces gens ont excité les passions, maintenant je reçois des lettres anonymes selon lesquelles les avocats dans cette affaire devraient être lynchés avec les accusés.
    Après le cruel interrogatoire de Marie-Jeanne, bien peu de spectateurs semblaient compatir à la cause du vieux garçon.
    — Si nous revenions en arrière, précisa le juge, je prendrais la même décision. Le public doit être informé.
    L’avocat essuya la rebuffade. Louis-Philippe Pelletier s’avança sur son siège, puis ajouta encore, la voix chargée de dépit :
    — Alors, que la bataille commence.
    — ... J’aimerais faire venir le docteur Emile Fortier à la barre, répondit Francœur un peu décontenancé.
    Après avoir prêté serment et évoqué ses états de service à l’hôpital Saint-François d’Assise, le praticien en vint aux faits.
    — L’accusée se trouve enceinte d’environ vingt-six semaines. Elle paraît souffrir d’une maladie des reins...
    Pendant de longues minutes, encouragé par l’avocat, l’homme s’engagea dans une liste interminable d’affections possibles.
    —Je vous arrête ici, le coupa le juge: tous ces maux peuvent-ils tuer l’accusée ?
    — ... Non, sans doute pas.
    — Peuvent-ils la rendre folle ?
    — Je ne peux l’affirmer.
    À la suite de cette intervention, Francœur mit fin abruptement à l’énumération des divers articles de l’encyclopédie médicale.
    Le docteur Marois se présenta ensuite à la barre des témoins. Raide dans son habit noir, il confirma de mauvaise grâce la grossesse de l’accusée.
    — Avez-vous aussi constaté des problèmes de reins ?
    demanda l’avocat.
    — Elle a évoqué quelques symptômes devant moi et le docteur Fortier. Contrairement à lui, je ne conclus pas à la présence d’une pathologie.
    Le plaideur ne souhaitait pas croiser le fer une nouvelle fois avec ce digne monsieur. Il conclut rapidement, puis indiqua :
    — Votre Honneur, après nous être intéressés à l’état physique de l’accusée, voyons maintenant son état mental.
    Le magistrat se priva du plaisir de rétorquer : « Il était temps. »

    *****
    Un professeur de l’Université de Montréal, Albert Prévost, prêta serment sur les Saints Evangiles. L’homme de trente-huit ans répondit d’abord à une série de questions destinées à établir ses qualifications professionnelles. Puis, Napoléon
    Francœur
    s’engagea
    dans
    un
    long
    résumé des sévices «soi-disant» infligés par l’accusée à Aurore.
    — Après avoir entendu les faits mis en preuve, et sur la base de l’examen de l’inculpée que vous avez effectué ces deux derniers jours, quelle est votre conclusion ?
    — Elle souffre d’aliénation mentale.
    — Sur quoi basez-vous cette conclusion ?
    — En l’interrogeant, je me suis rendu compte que cette femme a présenté des troubles d’intelligence à diverses époques de sa vie, en particulier durant ses grossesses. Elle m’a déclaré entendre des sons de cloche, des cris, elle m’a dit avoir eu des troubles du goût et de l’odorat. Pendant ses grossesses, elle voyait des fantômes ou des morts l’appelant par son nom. Cela apparaît non seulement quand elle est enceinte, mais aussi lors de ses règles. Depuis son mariage à l’âge de dix-sept ans, elle a eu sept enfants et subi deux fausses couches. Elle a été enceinte pratiquement toute sa vie, et pendant tout ce temps, elle a eu des hallucinations.
    Ses grossesses affectaient sa perception de la

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