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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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réalité et ses sentiments de mère.
    Au long monologue prononcé sans faillir, il manquait toutefois une précision.
    — Vous parlez de ses sentiments maternels, déclara Francœur. Comment sa maladie affectait-elle ses rapports avec ses enfants ?
    — J’ai essayé de voir si elle s’en occupait convenablement, si elle les aimait, si elle manifestait cet amour en les caressant. Elle m’a répondu : « Ça ne se fait pas, ce n’est pas l’habitude, ça m’arrive une fois par année au moment des grandes fêtes. »
    Le juge Pelletier demanda au praticien :
    — Ce qui veut dire qu’elle ne caressait ni n’embrassait ses enfants ?
    — Oui, Votre Honneur.
    — Vous a-t-elle semblé consciente du sérieux de sa situation ? reprit l’avocat.
    — Je lui ai demandé: «Savez-vous ce qui vous attend, savez-vous le prix d’un procès de ce genre, savez-vous que d’ici peu de temps, vous pouvez être exécutée ? » Elle n’a manifesté aucune émotion, pas une larme. Elle m’a paru surprise de m’entendre évoquer une condamnation.
    Peut-être accordait-elle une confiance absolue à son avocat. Cela aussi pouvait expliquer cette attitude.

    — J’ai aussi abordé le fait qu’elle pouvait être sauvée.
    Dans ce cas, elle a affirmé vouloir retourner chez elle et poursuivre sa vie comme avant. Elle paraît soucieuse de continuer l’éducation morale de ses enfants. Depuis son incarcération, elle m’a affirmé écrire à son curé à ce sujet.
    D’un côté, elle affiche des préoccupations tout à fait normales, de l’autre, elle battait son enfant d’une façon absolument exagérée, la privant
    de
    manger,
    la
    liant,
    la
    brûlant...
    Cela m’amène à conclure à l’aliénation mentale.
    — Avez-vous remarqué d’autres éléments relatifs à sa santé ?
    — L’inculpée affiche de nombreux problèmes physiques. Son palais
    est
    difforme,
    son
    visage
    est
    asymétrique,
    c’est-à-dire qu’un côté est plus petit que l’autre. Elle souffre certainement d’anémie, elle est maigre, ses jambes sont enflées. Certains endroits de son corps sont insensibles, lorsqu’on les pince ou les pique. Ces symptômes accompagnent toujours l’aliénation mentale.
    Le juge Pelletier intervint de nouveau afin de faciliter la tâche des jurés.
    — Pouvez-vous préciser votre diagnostic ?
    — Aliénation mentale qui s’aggrave à cause de troubles du côté de ses organes de la maternité. Lors de ses règles et de ses grossesses, elle a présenté des symptômes d’aliénation mentale pour moi absolument typiques.
    Cela n’était pas vraiment plus clair, mais les douze hommes devraient s’en contenter. Le samedi précédent, les journaux présentaient la défense d’aliénation mentale comme le dernier refuge des coupables. Francœur voulut contrer cette impression.
    — L’accusée pourrait-elle simuler tous ces symptômes ?
    — Non. Seuls les spécialistes les connaissent.

    — Croyez-vous que l’accusée était responsable de ses actes ?
    — Non, c’est une personne irresponsable.
    Fier d’une petite victoire, maître Francœur se tourna vers le juge.
    — Je n’ai plus de question, Votre Honneur.
    Cette fois, ce fut au tour d’Arthur Lachance de se lever pour contre-interroger le témoin. Sa grosse moustache accentuait son air sévère. Il s’approcha avec un petit sourire, puis demanda :
    — Dans mon métier, on lit de nombreux comptes rendus de procès. J’y vois souvent votre nom... comme expert.
    — Je témoigne souvent, soit pour la Couronne, soit pour la défense.
    — C’est payant ?
    -— Oh ! Pas tant que cela. Vous seriez surpris.
    Le substitut du procureur avait voulu mettre son honnêteté intellectuelle en doute. Le spécialiste ne se laissa pas prendre dans un piège aussi grossier. Pendant les minutes suivantes, il défendit ses conclusions.
    Le docteur Alcée, dont les journaux feraient un Alcide, Tétreault se présenta ensuite à la barre. Médecin de quarante ans, il travaillait à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu. Francœur s’assura qu’il avait participé aux examens effectués par son collègue. Il lui demanda ensuite de présenter ses conclusions.
    — En supposant vrais les faits allégués à la cour, cette personne présente un état mental anormal. A l’âge de douze ans, elle aurait eu une méningite...
    — Objection, prononça Lachance en se levant. Le père de l’accusée prétend cela, ce n’est pas une preuve...
    Le médecin, lui aussi

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