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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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comparaison que vous comprendrez très bien. Admettons que je vous constitue le gardien
    d’un
    chien,
    et
    que
    quelqu’un
    martyrise ce chien dans une chambre voisine de la vôtre. Je suis certain que votre simple instinct vous permettrait de savoir ce qui arrive à la bête.
    — Voyons, ce n’est pas la même chose.
    — Vous avez raison. Tout homme normal comprendrait ce qui arrive à un animal, dans ces circonstances. Alors imaginez ce cas avec, pour victime, un être humain doté de la raison et de la parole. Ce serait infiniment plus facile de tout savoir.
    L’avocat nationaliste demeura interloqué. Lors d’un débat, cela ne lui arrivait pas souvent.
    — L’accusé n’était pas là...
    — L’accusé n’était pas absent tout le temps. Vous avez la synthèse de mon opinion sur la question, exprimée aussi clairement que possible. Alors, reprenons le cours de ce procès pour examiner les faits.
    L’avocat nationaliste regagna sa place, Francœur se consacra à l’interrogatoire. De la terreur dans les yeux, Marie-Jeanne le regarda s’approcher de la barre.
    — Tu as dit que dans les mois suivant le remariage de ton père, les choses allaient plutôt bien à la maison.
    Le tutoiement devait la rassurer. Au contraire, elle se raidit un peu.
    — Oui.
    — Puis, la situation est devenue plus difficile l’été dernier. C’est bien cela ?
    — Oui.
    Les réponses venaient dans un souffle. L’avocat parlait tout doucement lui aussi.
    — Quand ton père battait ta petite sœur, c’était parce que ta mère lui racontait ses mauvaises actions.
    — C’étaient des menteries.
    — Mais cela, ton père ne le savait pas. Lui, il croyait toutes les histoires de sa femme, n’est-ce pas ?
    — ... Oui.
    Ce petit mot amoindrissait beaucoup la faute de l’auteur de ses jours. L’avocat de la défense s’était placé devant elle de façon à l’empêcher de voir l’équipe de l’accusation, tout en lui permettant de fixer des yeux Télesphore Gagnon.
    — Ton père la battait-il sans y avoir été incité par ta mère?
    — ... Non.
    Francœur amena ainsi l’adolescente à évoquer toutes les fois où Marie-Anne Houde avait menti à son mari afin de faire punir la victime. A la fin, il baissa le ton pour aborder un sujet délicat.
    — Tout à l’heure, tu as parlé de cette histoire de pot de chambre... Tu sais pourquoi ta belle-mère a fait cela?
    — Elle souhaitait faire passer Aurore pour folle.
    Pour la première fois, quelqu’un jetait un nouvel éclairage sur la
    stratégie
    de
    la
    belle-mère.
    Curieusement,
    cela
    venait d’une adolescente peu instruite.
    La marâtre souhaitait faire disparaître la plus jeune fille de son mari. Ce résultat, elle pouvait l’obtenir des mauvais coups infligés par Télesphore, puisqu’un manche de hache représentait une arme redoutable, grâce à l’ingestion de Lessi, ou encore par la tuberculose contractée en la faisant sortir pieds nus l’hiver, ou du simple épuisement consécutif à tous ces mauvais traitements.
    Mais les excréments dans les vêtements, ou le fait d’en manger, évoquaient tout de suite la folie. Pareil diagnostic aurait conduit
    la
    fillette
    à
    Saint-Michel-Archange.
    Bien peu de gens en sortaient, cela représentait une forme de décès. Marie-Anne Houde le comprenait d’autant mieux que sa rivale, dans le lit de Télesphore, avait connu ce sort.
    Aux yeux de tous, cette affection était héréditaire.
    Personne n’aurait été surpris de voir Aurore en être victime.
    Le stagiaire eut l’impression que les pensées de Francœur suivaient la même trajectoire. L’avocat s’empressa bien vite de changer de sujet.
    — Ton père a-t-il déjà battu Aurore sans que ta mère ne fasse de faux rapports sur elle ?
    — ... Non.
    Le ton irrésolu rendait l’affirmation douteuse. L’avocat de la défense n’avait pas intérêt à s’y attarder.
    — Ton père t’a-t-il déjà battue ?
    La crainte de le voir ramener sur le tapis l’accusation d’impureté envahit l’adolescente. Elle gardait un souvenir très douloureux de cette expérience, surtout devant tous ces gens.
    — ... Oui, une fois, il y a deux ans.
    L’homme accueillit l’affirmation avec un sourire amusé.
    Elle mentait, il le savait, et ce faisant elle servait néanmoins les intérêts de son client.
    — Tes frères..,, les corrigeait-il, eux aussi?
    — Parfois. Pas très souvent.

    — Les coups étaient-ils violents ?
    — Non, pas très

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