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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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à la porte.
    — La petite fille, Marie-Jeanne, murmura-t-il.
    Depuis son fauteuil, celle-ci entendit. Elle se leva et marcha lentement, comme une condamnée, jusque dans la salle d’audience. Une nouvelle fois, tous les regards se fixèrent sur elle, ils la suivirent jusqu’à la barre des témoins. De son côté, la jeune adolescente ne pouvait détacher les yeux de son père, pitoyable dans son habit trop grand, son insigne de la Ligue du Sacré-Cœur accroché au revers.
    Elle prêta serment, puis posa les mains sur la balustrade en bois devant elle. D’une voix pleine de compassion, Fitzpatrick commença par s’assurer de sa présence dans la maisonnée de Télesphore Gagnon peu après le remariage de celui-ci avec Marie-Anne Houde jusqu’au décès d’Aurore survenu le 12 février dernier. Les deux fillettes étaient revenues ensemble de l’orphelinat d’Youville. Elle parla d’une situation familiale « normale » au début.
    — Quand les choses ont-elles changé ?
    — L’été dernier, maman l’a blessée au pied.
    Mathieu gardait les yeux fixés sur sa protégée, depuis la table réservée à l’accusation. Il entendit un bruit sur sa droite, celui d’une chaise glissée sur le plancher, puis la voix d’Armand Lavergne.
    — Votre Honneur, mon collègue cède à la tentation de refaire le procès de Marie-Anne Houde. Celle-ci a déjà été condamnée à mort. Cet acharnement me paraît bien inutile.
    On ne la pendra pas deux fois.
    Le rappel de la triste réalité frappa Marie-Jeanne comme un coup en plein visage. Le stagiaire espérait que personne ne lui ait mis sous les yeux les journaux de la semaine précédente.
    Le
    juge
    Pelletier
    avait
    été
    explicite:
    seules
    les
    confidences des enfants avaient permis de retourner la situation afin d’obtenir le verdict de culpabilité.
    Fitzpatrick se reprit.
    — L’été dernier, est-ce que votre père battait Aurore ?
    — Il l’a frappée avec le fouet utilisé pour les chevaux.
    — Où cela s’est-il produit?
    — Dans la cuisine.
    L’émotion
    étranglait
    l’adolescente.
    Elle
    répondait
    brièvement, à voix basse. Alimenter les arguments de l’accusation contre son père lui pesait plus que faire la même chose au sujet de sa belle-mère. Souvent, elle jetait un regard en direction de l’homme dans la boîte des accusés.
    — Pourquoi votre père l’a-t-il battue ?
    — Maman lui a dit que ma sœur avait assisté à la messe depuis la sacristie.
    Cela pouvait passer pour une négligence de ses devoirs religieux.
    — Votre père l’a-t-il ligotée, avant de la châtier?
    — Il lui a attaché les mains derrière le dos.
    — Qu’a alors fait Aurore ?
    — Elle criait.
    La précision toucha les jurés.

    — Plus tard dans l’été, votre petite sœur est allée à l’Hôtel-Dieu. Après son retour de l’hôpital, combien de fois avez-vous vu votre père la battre ?
    — Trois ou quatre fois.
    — Avec quoi ?
    — Des harts, des planches de quart.
    Fitzpatrick lui présenta les pièces à conviction, afin de les lui faire reconnaître.
    — Si on se reporte au début du mois de janvier, juste après les fêtes, comment décririez-vous l’état de santé de la petite fille ?
    — Elle se portait bien.
    — A cette époque, votre père a battu Aurore de nouveau.
    Combien de fois ?
    — Trois ou quatre.
    L’adolescente raconta en détail les épisodes où l’homme avait utilisé un fouet. Elle se cramponnait à la balustrade placée devant elle, sa voix faiblissait, elle paraissait sur le point de s’effondrer.
    — Ma petite, intervint le juge Déry, je vais vous permettre de vous reposer un peu.
    En relevant la tête, le magistrat demanda :
    — Quelqu’un veut-il apporter une chaise à cette jeune personne ?
    Mathieu allait se lever pour approcher la sienne, mais Armand Lavergne, placé plus près de la barre des témoins, le devança. L’adolescente rougit de l’attention venue de cet inconnu. Elle formula un «Merci» bien timide.
    — Nous reprendrons l’audience dans quelques minutes, conclut le juge en se levant pour quitter les lieux.
    Pendant une vingtaine de minutes, chacun attendit dans un bruissement de conversations. Intimidée par tous les regards fixés sur elle, dont celui de son père, Marie-Jeanne posa ses bras sur la barre des témoins, pour y enfouir son visage.
    Quand le magistrat revint à sa place, Fitzpatrick quitta la sienne afin de reprendre son interrogatoire. Sans y être conviée,

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