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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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des honoraires vous gêne, vous ferez un curieux avocat.
    Les deux substituts du procureur de la Couronne arrivaient à leur tour.
    — J’essaierai de ne jamais être assez pauvre, ou assez soucieux de séduire des électeurs, pour accepter de défendre un homme qui a tué sa petite fille de dix ans avec un manche de hache.
    — Ah ! Picard, commenta Fitzpatrick avec un sourire moqueur, ne soyez pas trop cruel avec nos pauvres amis de la défense. Soyez plutôt condescendant avec notre nouvel adversaire. Il le mérite.
    La dérision marquait sa voix. A la fin, le stagiaire accepta la main tendue. Son employeur enchaîna en disant:
    — Comme vous l’avez entendu hier, notre ami Francœur a bien du mal avec la langue de la mère patrie. Il a troqué Lemieux pour Lavergne ce matin, car le pauvre monsieur Reed, notre juré venu de la fière Albion, se demandait si notre savant confrère plaidait en anglais et en turc.
    Si l’avocat de la défense souffrait de voir sa prononciation anglaise
    tournée
    en
    ridicule,
    il
    s’efforça
    de
    n’en
    rien montrer.
    — Si je comprends bien, monsieur Lavergne, vous serez là pour assurer la traduction, commenta Mathieu en prenant le ton badin de son employeur.
    — J’essaierai de faire un peu plus.
    Du bruit se fit entendre du côté droit de la salle d’audience. L’accusé faisait son entrée, escorté de deux agents.
    — Voilà votre client, déclara Fitzpatrick à l’intention de l’avocat nationaliste. Nous allons reprendre notre place.
    Quelques minutes plus tard, sous la présidence du juge Déry, la procession des témoins reprit de plus belle.

    *****
    Le procureur de la Couronne avait fait en sorte que les trois enfants Gagnon témoignent dans la journée du 26 avril, la seule de cette semaine pendant laquelle Mathieu n’avait aucun examen en matinée. Aussi, le stagiaire se présenta très tôt au palais de justice, assez pour voir un agent de la paix arriver de Lévis avec Marie-Jeanne.
    L’adolescente lui fit un sourire timide. Elle était vêtue d’un uniforme d’écolière, chaussée de souliers raisonnablement neufs. La directrice de l’hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance avait
    sans
    doute
    sollicité
    une
    âme
    charitable
    pour lui procurer cette tenue plus convenable.
    — Bonjour, commença-t-il en lui tendant la main.
    Comment te sens-tu ?
    — ... Je ne veux pas témoigner encore.
    —Je comprends. Mais nous savons tous les deux que tu n’as pas vraiment le choix.

    Le stagiaire se sentit un peu coupable de faire appel de cette façon à son sens du devoir. Le même argument lui avait servi dans les tranchées des Flandres avec des hommes terrorisés à l’idée de mourir dans la boue, si loin des leurs.
    La jeune fille laissa échapper un soupir avant de hocher la tête.
    — Allons dans la même salle que l’autre fois. Quand tes frères arriveront, le personnel du tribunal leur dira de venir nous rejoindre.
    Elle donna son assentiment d’un geste de la tête. Déjà, la foule des curieux s’enflait à l’entrée de la salle d’audience.
    Elle retrouvait avec soulagement la pièce aux fauteuils confortables, derrière une porte close.
    — Cet homme sera là ? Le député...
    — Francœur est l’avocat de ton père.
    — Il va encore me poser des questions, comme la dernière fois.
    Marie-Jeanne se demandait surtout s’il tenterait encore de souiller sa réputation. Le stagiaire le comprit, et il essaya de la rassurer de son mieux.
    — Ses questions seront moins difficiles, je pense. Au procès de ta belle-mère, il a finalement admis que tu disais la vérité. Il ne peut pas revenir en arrière aujourd’hui.
    A tout le moins, Mathieu l’espérait de tout cœur. De petits coups contre la porte lui permirent d’abandonner ce sujet.
    Une seconde plus tard, Georges et Gérard prenaient place dans des fauteuils bien rembourrés. Tous les deux présentaient une mine réjouie. Visiblement, leur retour chez des membres de leur famille leur rendait leur bonne humeur.
    Pendant de longues minutes, l’adolescente prit des nouvelles de ses tantes, de ses oncles, et même des animaux de la ferme. L’évocation de la campagne lui faisait visiblement plaisir. Son séjour à l’orphelinat devait parfois prendre à ses yeux des allures d’exil.

    *****
Sans qu’on vienne lui en donner la raison, Mathieu attendit longuement le début de l’audience dans la petite salle. Après neuf heures, un agent de la paix vint frapper doucement

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