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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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arc-bouta son désir sur ces souvenirs.
    Peut-être ne dormirait-il pas. Au moins son insomnie prendrait une couleur moins lugubre.

    *****
    Les souvenirs de la journée, le trop grand silence et des pensées coupables se conjuguèrent pour tenir Mathieu éveillé une grande partie de la nuit. Le fantôme d’une petite fille se joignait dans son esprit à tous les autres rapportés des Flandres. Après le déjeuner hâtif avec les Mailhot, il se réfugia de nouveau dans sa chambre afin de mémoriser les articles les plus abscons du Code civil.
    Pendant ses pauses, il se demandait bien en quoi sa présence dans ce village aiderait l’enquête. L’idée lui était venue en entendant le détective Couture déclarer vouloir assister aux funérailles. Le petit corps nu étendu sur une table méritait bien cette délicatesse.
    Un peu avant dix heures, il se joignit au couple Mailhot afin de se rendre à l’église. Le temple se trouvait juste de l’autre côté de la rue Principale. Tout autour, des dizaines de traîneaux s’alignaient. Les chevaux frissonnaient déjà malgré les robes de carriole sur leur dos.
    Les paroissiens entraient par la porte centrale. Sur la droite, le confessionnal ressemblait à une immense armoire en chêne. Un riche décor caractérisait la bâtisse, une opulence un peu choquante dans un milieu aussi pauvre.
    — Si vous voulez nous accompagner sur notre banc, libre à vous, murmura Oréus. Ce matin, vous ne trouverez aucune place de libre.
    — Ce serait abuser un peu de votre hospitalité, je pense.
    Je vais aller me percher dans le jubé. Cela me donnera un meilleur point de vue.
    Tout le monde se trouvait là. Les usages, à la campagne, exigeaient la présence de la communauté entière, lors du départ de l’un de ses membres. Elle se trouvait enrichie des curieux et des parents des paroisses avoisinantes.
    Un escalier étroit permettait de gagner le jubé. Mathieu accéda à un petit espace en pente, encombré de bancs et de chaises. Les membres de la chorale attendaient nerveusement, debout autour de l’orgue, faisant passer leur poids d’un pied sur l’autre.
    Il restait une place au premier rang, dans un coin. En multipliant les «Excusez-moi, pardon», le jeune homme força une dizaine de personnes à le laisser passer. Il posa une main sur la balustrade, afin d’être sûr de ne pas basculer dans le vide. Une fois sur sa chaise, il contempla les voiles noirs et mauves tendus sur les murs, les colonnes, et même les trois autels, celui du centre devant lequel le prêtre officierait, et les deux autres dans les allées latérales.
    A dix heures, précédé d’une petite cohorte de servants de messe affublés de surplis en dentelle blanche passés sur des aubes noires, l’abbé Massé fit son entrée. Le peuple des chrétiens se leva, la cérémonie pouvait commencer.
    De son poste d’observation, le stagiaire examina la congrégation, une assemblée essentiellement composée de cultivateurs, flanqués de leur femme et d’une progéniture abondante. Il supputa un moment les pensées hantant l’esprit de ces enfants : l’un des leurs avait péri sous les coups de ses parents ! Dans l’allée centrale, sur un chariot métallique, un cercueil très simple, en bois blanc, attirait tous les regards. On avait vissé une petite croix en métal sur le couvercle.
    Même dans le cas de funérailles, la messe demeurait d’un ennui mortel aux yeux de l’étudiant. Au gré des phrases ânonnées en latin, l’assistance alternait les postures assises, debout et à genoux. Mathieu se concentra bientôt sur la famille Gagnon, placée tout de suite derrière le banc des marguilliers, vêtue de noir comme il convenait dans les circonstances.
    La mère portait, comme la veille, un voile opaque susceptible de masquer ses traits. A sa droite, un garçon de neuf ans se tenait bien droit. Près de lui, il remarqua la petite silhouette sombre de Marie-Jeanne. Elle portait fréquemment ses yeux en direction du cercueil.
    «A quoi songe-t-elle, en ce moment? se demanda le visiteur. Peut-être craint-elle d’être la prochaine à se retrouver dans une boîte. »
    Dans toutes les funérailles, un moment tirait des larmes de toutes les personnes présentes, même les plus endurcies : l’éloge funèbre. L’abbé Massé gravit les quelques marches conduisant à la chaire. Il présentait un visage embarrassé, une occurrence pour lui bien rare.
    — Aurore, notre sœur, a rejoint son

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