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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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couverts, il avait évoqué les péchés les plus graves attribués à Aurore.
    — Les gens sont brutaux, murmura la jeune femme.
    Petite, j’ai vu des hommes poursuivre leurs enfants, ou même leur femme, une fourche à la main.
    Son compagnon se remémora sa dernière visite à L’Ancienne-Lorette, et la tension dans la maison. Peut-être Flavie figurait-elle parmi les personnes poursuivies de cette façon. Mathieu n’osa pas le lui demander.
    — Même au magasin, continua-t-elle, il arrive parfois des scènes pénibles. Je passe dans un rayon, et j’entends des claques retentissantes, suivies de pleurs. Certaines matrones paraissent s’affoler seulement d’entendre leurs enfants respirer.
    Conduire une progéniture sur le chemin de la vertu paraissait autoriser la pire répression, pour des fautes souvent bénignes, ou même imaginaires.
    — Je ne comprends pas cette brutalité, ajouta son interlocuteur. Des gens à qui on ne confierait pas un chien élèvent des enfants.
    — Et chez toi ?...
    — Tu as vu maman. D’un côté, elle a une détermination à toute épreuve. De l’autre, jamais elle ne lèverait la main sur quelqu’un, encore moins un enfant.
    Flavie était venue à deux reprises déjà à l’appartement de la rue de la Fabrique.
    — Et ton père ?
    — La même chose. Un grand gaillard inoffensif.
    — C’est important que les deux parents s’entendent sur la façon d’élever les enfants.
    Elle venait de lui signifier que c’était le cas entre eux.
    — Ces gens, que va-t-il leur arriver ? demanda-t-elle après un court silence.
    — Il s’agit d’un meurtre. Ils risquent le pire.
    L’image d’une potence passa dans l’esprit de la jeune femme.
    Les
    exécutions
    capitales
    faisaient
    toujours
    l’objet
    d’une description détaillée dans les journaux.
    — Cependant, ils ont un excellent avocat, le député Francœur. Ils peuvent encore se tirer d’affaire.
    La confidence de Paul Dubuc troublait l’étudiant en droit. Se pouvait-il que ces gens échappent au châtiment en arguant de leur devoir de bons parents chrétiens?
    L’esprit de Mathieu oscillait entre des moments de confiance en la justice et le doute le plus grand.
    — L’aînée a tout vu, insista sa compagne. Comment s’appelle-t-elle ?
    — Marie-Jeanne.
    — Puis, il y a les garçons...
    — C’est vrai.
    La présentation de la maisonnée lui avait pris quelques minutes. Flavie avait bien retenu la leçon.
    — Remarque, ceux-là sont les propres enfants de la mégère, précisa-t-elle après une pause. Ils ne peuvent trahir leur mère.
    — La petite fille appelle sa belle-mère « maman ». Elle a menti sous serment à l’enquête du coroner.
    Sa compagne porta sa tasse à ses lèvres, pensive. Mathieu la contempla en songeant à la lettre torride restée dans son sac de voyage. Peut-être la lui remettrait-il un jour. Flavie le sortit de sa rêverie :
    — Tout de même, à toi, la petite fille a commencé à dire la vérité.
    — Tu as raison. Je me demande bien pourquoi.
    Ils n’auraient guère le loisir d’explorer les motifs de la fillette. Un bruit leur parvint de l’entrée. Bientôt, une locataire se planta dans l’embrasure de la porte sous prétexte de leur souhaiter bonne nuit. Elle se retira après une brève conversation, satisfaite de son examen du prétendant de sa compagne de pension.
    — Je devrai retourner prochainement dans ce trou perdu, afin de voir si elle souhaite continuer son récit.
    A son tour, il avala un peu de la boisson chaude, se tourna à demi pour contempler son amie.
    — Tu es gentille de m’écouter ainsi.
    — C’est tout naturel, voyons.
    Il se pencha pour voir si quelqu’un se trouvait près de la porte, puis il allongea la main pour prendre la sienne et la porter à ses lèvres. Ils gardèrent un moment le silence.
    — Demain, annonça le jeune homme à regret, nous avons tous les deux une longue journée devant nous. Je vais te laisser aller dormir.
    Après avoir remis son paletot, son melon dans la main gauche, il posa sa paume droite sur le cou gracile, s’assura de l’absence de tout regard inquisiteur et l’embrassa sur les lèvres. S’ils n’en étaient pas à leur premier baiser, celui-là les laissa tous les deux bien fiévreux.

    *****
    La veille, à son retour à la pension Sainte-Geneviève en fin de soirée, Mathieu avait trouvé une note de son employeur le priant de se présenter au palais de justice le lundi 16 février, à

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