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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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tenu de votre horaire très chargé, j’ai préféré convoquer mon seul témoin demain après-midi.
    Le magistrat lui adressa un sourire entendu.
    — Voilà une délicate attention. Qui sera ce témoin ?
    — Oréus Mailhot, le juge de paix de Sainte-Philomène.
    Son témoignage sera assez long, il vous donnera un portrait de toute cette affaire.
    — Maître Francœur ?
    Après la remarque précédente, l’avocat de la défense comprenait combien faire manquer son repas au brave homme le disposerait en faveur de l’accusation.
    — Je n’ai pas de témoin à faire entendre. Il paraîtra bientôt évident que l’on reproche ici à mes clients d’avoir tout simplement accompli leur devoir de parents.
    Machinalement, Choquette prit en main le rapport du coroner, l’ouvrit à la section rendant compte de l’autopsie.
    — Si vous le dites...
    — Votre Honneur, je requiers la mise en liberté de mes clients, dans l’attente de la suite des procédures. Déjà, ils ont passé deux nuits en prison...
    — Je m’objecte, Votre Honneur...
    Fitzpatrick perdait un peu de son onctuosité habituelle.
    Son collègue continua comme si de rien n’était, alors que le magistrat levait la main pour inciter le substitut du procureur de la province au silence.
    — Mes clients sont des personnes avantageusement connues dans
    leur
    milieu,
    travailleuses,
    sobres,
    sans
    aucun antécédent judiciaire. Ils dirigent une exploitation agricole qui
    souffrira
    de
    leur
    absence.
    Rien
    ne
    permet
    de croire qu’ils omettront de se présenter devant le tribunal.
    — J’entends
    bien
    vos
    arguments.
    Votre
    distingué
    confrère ne paraît toutefois pas partager votre avis.
    — Tout à l’heure, expliqua Fitzpatrick, j’ai accepté l’interdit de publication, car je conviens qu’il s’agit d’une affaire bien délicate. Il est inutile de l’étaler maintenant sur la place publique. Toutefois, dans le milieu des accusés, personne ne comprendrait le bien-fondé d’une libération.
    La gravité des faits...
    — Ces faits ne sont pas prouvés...
    Le juge leva à nouveau la main pour imposer le silence, cette fois à Francœur.

    — La gravité des faits invoqués exige que les suspects demeurent emprisonnés. Le contraire alimenterait le cynisme d’une partie de la population à l’égard de l’application de la justice.
    — Maître, je me rends à vos arguments.
    Philippe-Auguste Choquette s’empara de son maillet et déclara :
    — La séance est ajournée jusqu’à demain après-midi.
    Nous nous retrouverons dans cette salle, à deux heures.
    Un claquement sec souligna les derniers mots. Francœur se tourna vers le couple Gagnon en écartant les bras, l’air de dire :
    — Je l’avais bien prédit.
    Le cultivateur afficha sa déception. Son épouse, drapée dans ses vêtements de deuil, les traits dissimulés par un voile presque opaque, resta impassible. Mathieu sortit sur les talons de son employeur, soucieux de regagner son poste de travail à l’étage de la bibliothèque de l’Assemblée législative.

    Chapitre 10

    Le lendemain après-midi, après un repas léger pris au Café du Nouveau Monde, dans la rue Buade, Mathieu se rendit directement au palais de justice. Les corridors bruissaient d’activité,
    des
    accusés
    angoissés
    ou
    des
    témoins
    nerveux s’entretenaient avec des avocats affublés d’une toge, des porte-documents remplis à craquer à la main.
    Devant la salle d’audience, il reconnut Oréus Mailhot vêtu de ses plus beaux habits du dimanche.
    — Bonjour, monsieur, salua-t-il en lui tendant la main.
    Vous avez fait un bon voyage ?
    — Avec ce qui m’attend, même à dos de cheval, le trajet ne représenterait qu’un petit ennui.
    Quelques minutes avant d’être appelé à la barre, ses inquiétudes prenaient une nouvelle intensité.
    — Voyons, rassurez-vous. Vous seul pouvez donner à la cour un récit de première main des événements. C’est essentiel pour porter des accusations.
    — Vous en êtes certain ?
    Plutôt que de se montrer trop affirmatif, Mathieu décida de se faire pédagogue.
    — A cette étape, il s’agit d’étayer l’accusation de meurtre qui a été déposée. Comme vous êtes juge de paix, on compte sur vous pour établir les faits.
    Sa prudence n’échappa pas tout à fait au commerçant: à une question précise, le jeune homme avait opposé une généralité.

    — Les travaux ont commencé hier ? interrogea le marchand, désireux de

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