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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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1917, propulserait plus tard l’obscur représentant d’une circonscription plus obscure encore dans les manuels d’histoire.
    — ... Selon ses paroles, dit Paul, les apparences sont trompeuses. La petite fille serait morte de la tuberculose.
    — Ce sera leur défense? C’est ridicule.
    Un mouvement se fit entendre dans le couloir, une Amélie plus minaude que jamais fit son entrée dans la pièce.
    Mathieu amorça le geste de se lever.

    — Ce n’est pas la peine, déclara-t-elle dans un sourire.
    Tu vas bien ?
    Elle se pencha pour souligner la question d’une bise sonore sur la joue, attendit la réponse en plongeant ses grands yeux bleus dans les siens.
    — Cela va mieux depuis mon retour à Québec. Ma petite expédition dans les campagnes profondes m’a laissé bien perplexe. La prochaine fois qu’un curé vantera devant moi nos saintes familles canadiennes-françaises, je vais m’enfoncer les index dans les oreilles jusqu’aux poignets.
    En s’asseyant sur le canapé, près de sa sœur et de son fiancé, la jolie jeune fille articula un « Ouch ! » amusé.
    Paul Dubuc revint sur la stratégie de défense de son collègue.
    — Sa mère serait morte de cette maladie, de même que son petit frère...
    — Justement, on meurt beaucoup, dans cette maison-là.
    Cela ne trouble pas votre collègue ?
    — ... Les conditions sont parfois très difficiles dans nos campagnes. A douze ans à peine, des garçons joignent les chantiers pour tout l’hiver dans l’espoir de gagner quelques dollars. La tuberculose y exerce ses ravages.
    Mathieu prit le temps de boire la moitié de son cognac, pesant ce qu’il pouvait confier, et ce qu’il devait taire au nom du secret professionnel.
    — Puis-je compter sur votre discrétion?
    — Bien sûr, le rassura le politicien. Cet homme est un collègue, sans plus. Je ne lui dois aucune confidence.
    De retour de la cuisine, où elle avait aidé un peu Gertrude avec le repas du soir, Marie s’appuya sur le cadre de la porte.
    — Maman, assieds-toi, je vais me chercher une chaise.
    — Non, non. Je devrai mettre le couvert dans une minute. Continue.
    — Pendant l’autopsie, le docteur Marois m’a demandé de prendre des notes. Il décrivait la procédure, je prenais tout en dictée. Le médecin remplissait aussi une sorte de diagramme représentant une silhouette humaine, de dos d’un côté de la feuille, de face de l’autre. Il faisait un petit
    «x» pour signaler l’emplacement des blessures. A la fin, j’en ai compté plus de cinquante.
    L’information laissa les autres pantois. Quand il rouvrit la bouche, Paul Dubuc se montra un peu moins assuré.
    — A la base de notre système de justice, on trouve deux principes : tout suspect est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire, et tout accusé a droit à une défense pleine et entière. Cela signifie aussi profiter des conseils d’un avocat compétent. Francœur ne pouvait pas vraiment se dérober, si ces gens se sont adressés à lui.
    — Je comprends très bien la noblesse de ces principes, admit Mathieu. Ces règles nous protègent de l’arbitraire de l’Etat dans l’application de la justice. Leur exercice me trouble tout de même un peu.

    *****
Après cette conversation, la famille eut un peu de mal à faire honneur au rôti préparé par Gertrude. Les restes, copieux, reviendraient sur la table familiale le lendemain.
    Un peu après sept heures, Mathieu quitta la salle à manger de façon précipitée en disant :
    — Excusez-moi pour tout à l’heure. Toutes ces horreurs...
    Je vais rentrer tout de suite afin de me reposer. Je dois récupérer un peu avant de me présenter à mes cours demain matin.
    Chacun accepta le pieux mensonge. Marie le raccompagna à la porte de l’appartement. La main sur sa joue, elle demanda :
    — Ça ira, tu en es certain ? Si tu préfères dormir ici, Thalie te prêtera sa chambre.
    La jeune fille de la maison serait d’autant plus encline à le faire depuis la pension Milton, à Montréal.
    — Ce n’est pas nécessaire, le temps effacera ce mauvais souvenir. En descendant, je vais tout de même utiliser ton téléphone afin de dire bonsoir à Flavie.
    — Bien sûr. Elle saura sûrement t’égayer un peu.
    Après une brève étreinte, il descendit un premier escalier, s’arrêta dans le bureau aménagé à l’étage du commerce.
    Dans l’obscurité, avec le seul éclairage des réverbères allumés dans la rue, il manipula l’appareil, demanda

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