Mathieu et l'affaire Aurore
a effectuée sur le cadavre d’Aurore Gagnon ?
— Oui, monsieur.
— Vous avez entendu le témoignage de votre collègue sur l’état du cadavre. Vous souvenez-vous des blessures dont il a été question?
— Oui, monsieur. Ce jour-là, j’ai pu examiner le corps en détail.
La précision avait son importance : son opinion ne reposait pas seulement sur les paroles entendues un peu plus tôt.
— Pouvez-vous me dire si vous êtes en mesure de corroborer le témoignage du docteur Marois ?
— Oui, monsieur.
— Ce dernier a exprimé des hypothèses sur les causes des blessures découvertes sur le corps de la défunte.
Partagez-vous son opinion, à cet égard ?
— Oui, monsieur.
Du côté de la table de l’avocat de la défense, un mouvement attira l’attention de Mathieu. Francœur paraissait ennuyé.
— Docteur, je veux que nous nous comprenions très bien. Avez-vous constaté certaines blessures sur les pieds, plus précisément aux chevilles, et sur les poignets et les mains ?
— Oui, les plaies en faisaient le tour.
— Marois suggère que ces blessures ont pu être causées par des liens. Croyez-vous aussi que la défunte ait été ligotée ?
— Cela paraît l’explication la plus plausible.
Pendant quelques minutes encore, Fitzpatrick chercha la confirmation des conclusions du premier médecin. Puis, il évoqua le jour du 12 février. Lafond affirma de façon catégorique être arrivé chez les Gagnon trop tard pour tenter quoi que ce soit pour sauver la petite fille.
— Monsieur, vous avez des questions ? enchaîna le magistrat quand le substitut du procureur général regagna sa place.
Depuis son siège, Francœur répondit d’une voix indifférente :
— Votre Honneur, je n’ai aucune question.
Cette fois, son adversaire lança un regard un peu inquiet dans sa direction. Même accablants, les rapports d’autopsie méritaient toujours une contestation serrée. Son adversaire n’était pas homme à lancer la serviette, son silence obéissait à une autre stratégie.
*****
Après l’ajournement destiné à permettre à tout le monde d’aller dîner, Lauréat Couture se retrouva à la barre des témoins. L’homme paraissait bien occupé, un peu bourru, comme si on le détournait de son enquête pour l’astreindre à une formalité routinière.
Un peu comme Marois, du ton du spécialiste, il narra de façon succincte ses trois voyages à Sainte-Philomène-de-Fortierville. Au souvenir de son premier regard sur le cadavre de la fillette, le ton perdit beaucoup de son assurance pour céder à l’émotion. Il parla ensuite longuement de la visite de la maison de l’accusé, puis de l’arrestation du couple sur le parvis de l’église, à la fin des funérailles.
Grâce à ses questions, le substitut du procureur, Fitzpatrick, donnait au témoignage du policier la forme d’un récit intelligible.
— Vous avez aussi rapporté de nombreuses pièces à conviction, remarqua-t-il. Racontez-nous comment vous vous les êtes procurées.
— À mon passage dans la maison, Gérard, le fils de la lemme Gagnon, m’a remis ces objets. Ils ont servi à infliger des mauvais traitements à la petite fille.
Quand le procureur regagna sa place, Francœur sortit enfin du mutisme affiché plus tôt. Il parcourut le rectangle du carrelage réservé aux avocats, comme pour se l’approprier. Ce serait leur arène, à son adversaire et à lui, pendant quelques minutes aujourd’hui, puis pour des jours entiers pendant le procès proprement dit.
— Monsieur
Couture,
dois-je
comprendre
qu’au
moment où ces pauvres parents se trouvaient au service funèbre de leur fille, vous vous êtes présenté à leur domicile pour tout fouiller ?
Présentée de cette façon, la démarche paraissait bien indélicate.
— Je me suis livré à mon enquête, comme le commande mon devoir.
— Le garçon qui vous a reçu, connaissez-vous son âge ?
— Il m’a dit avoir onze ans.
L’autre se tut un instant, comme pour laisser le juge apprécier combien utiliser le fils contre la mère, la chair de sa chair, se révélait veule. Le policier n’était pas tout à fait néophyte à ce jeu, de loin s’en fallait.
— En réalité, ajouta-t-il, le gamin a exactement le même âge que la victime.
L’avocat de la défense marqua un temps d’arrêt, comme pour apprécier l’intelligence de son interlocuteur.
— Ce garçon vous a conduit dans la chambre ?
— Non. J’y suis monté avec une
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