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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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croyez-vous que nous pourrons entendre tous les témoins de l’accusation aujourd’hui, avant l’ajournement ?
    — Pour ma part, j’en ai terminé avec ce témoin, conclut Francœur, comme s’il l’avait mis en pièces.
    — J’appellerai encore messieurs Emilien Hamel et Adjutor Gagnon, dit Fitzpatrick. Ils se trouvent dans le corridor.
    — Dans ce cas, mieux vaut terminer un peu plus tard et ne pas obliger ces messieurs à revenir demain. Ils arrivent de si loin.
    La délicate attention leur permettrait d’épargner le prix d’une nuit à l’hôtel.

    Chapitre 11

    Lors de ses visites dans le comté de Lotbinière, Lauréat Couture s’était efforcé de trouver des gens ayant déjà séjourné chez le couple Gagnon, capables de témoigner des mœurs de la famille. Un jeune homme efflanqué de seize ans, trop grand pour ses habits du dimanche, se tint à la barre des témoins : Emilien Hamel, de la paroisse de Saint-Jean-Deschaillons.
    — Etes-vous apparenté à l’accusé? commença Fitzpatrick.
    — Oui, monsieur. Je suis son neveu.
    — Avez-vous déjà travaillé pour lui ?
    Il répondit par l’affirmative. L’année précédente, pendant plusieurs jours d’affilée, il avait séjourné dans la ferme du septième rang pour couper du bois de sciage.
    — Connaissiez-vous la petite Aurore Gagnon, celle qui est morte ?
    — Oui, monsieur, je la connaissais.
    — L’avez-vous vue chez lui, pendant que vous travailliez chez l’accusé ?
    — Oui, je l’ai vue.
    — Quelles étaient les relations entre l’accusé et sa petite fille?
    Le témoin ouvrit de grands yeux un peu désemparés. Le substitut du procureur simplifia sa question :
    — Comment la traitait-il pendant que vous étiez là ?
    — Quand j’ai été là, il l’a battue parce qu’elle n’avait pas lavé la vaisselle.
    — Est-ce qu’il la battait souvent ?

    — Ah! Non.
    Spontanée, la négation laissa l’avocat un peu perplexe.
    Pourquoi diable Lauréat Couture voulait-il ajouter ce personnage à la liste des témoins ?
    — Combien de fois l’a-t-il battue ?
    — Une fois, devant moi.
    — L’avez-vous entendu la battre d’autres fois?
    — Non, monsieur.
    L’accusé se révélait attentif à corriger une enfant paresseuse, sans excès toutefois. La prudence aurait dû amener le substitut du procureur à s’arrêter là.
    — Vous l’avez vu battre sa fille rien qu’une fois ? insista-t-il pourtant.
    — Oui, monsieur.
    — Nous parlons bien de l’accusé, monsieur Télesphore Gagnon ?
    — Oui, monsieur.
    Depuis son siège, Napoléon Francœur adressa un regard un peu lassé au juge, avec l’air de dire : «Vous voyez, il nous fait perdre notre temps. Rien ne justifie des poursuites, dans cette histoire. »
    — D’autres personnes l’ont-elles battue ?
    — Oui, monsieur. La femme Gagnon.
    Même si on s’éloignait du sujet de cette enquête, l’avocat de la défense négligea de s’objecter: jusque-là, il comptait des points, il devait s’attendre à ce que cela continue ainsi.
    Sa prédiction se montra exacte : selon le jeune homme, l’épouse ne semblait pas plus brutale que l’époux. Le substitut du procureur revient à celui-ci :

    — Avez-vous déjà dit au père de ne pas battre son enfant comme ça ?
    — ... Je ne lui ai pas dit.
    L’hésitation amena l’avocat à se faire insistant.
    — L’avez-vous dit ou pas, monsieur Hamel ?
    — Je ne l’ai pas dit.
    — Vous n’avez jamais dit au père de ne pas battre son enfant ?
    — Non, monsieur.
    A l’air un peu étonné de son employeur, Mathieu comprit que Lauréat
    Couture
    lui
    avait
    donné
    une
    indication
    contraire. Le témoin désavouait les déclarations faites au policier tout au plus deux jours plus tôt.
    Intrigué, le juge Choquette prit sur lui de clarifier les déclarations précédentes. Au gré de ses réponses, Emilien Hamel précisa que lors de son séjour de neuf jours chez l’accusé, l’homme et la femme avait battu la petite fille à une reprise chacun, sans violence excessive, pour un motif bien légitime.
    Fitzpatrick reprit ensuite son rôle, creusa dans une autre direction.
    — Pendant que vous étiez là, vous ont-ils demandé de ne pas parler de ce qui se passait, de ne pas répéter qu’ils battaient l’enfant ?
    — Non, monsieur.
    — Vous ont-ils dit de ne pas en parler à votre mère ?
    — Non, monsieur, ils ne m’ont pas parlé de ça.
    Encore une fois, c’était en contradiction avec les

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