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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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voisine, Exilda Lemay.

    Cette fois, Francœur le dévisagea comme s’il s’agissait d’une effraction. A la façon de celui de la Couronne, l’avocat de la défense voulait le guider aussi dans une version du récit.
    Celle-là serait différente de la première : de justicier, l’enquêteur devenait un intrus.
    — Et dans cette pièce, vous affirmez avoir aperçu des traces de sang sur le plancher.
    — Oui. On avait répandu de la paille sur les madriers, sans doute pour dissimuler de longues tramées sanglantes.
    La précision amena le plaideur à se renfrogner un peu. Encore célibataire, son habit soigneusement entretenu et sa coiffure
    un
    peu
    trop
    bien
    placée
    lui
    donnaient
    une allure exagérément nette. Son visage, celui d’un adolescent
    prématurément
    vieilli,
    ajoutait
    encore
    au
    malaise.
    — Revenons-en à ces objets. Vous avez amené l’enfant à vous les remettre ?
    — J’ai trouvé la hart dans la chambre de la fillette, près d’un mur, dissimulée sous la paille.
    — Dans la chambre ?
    Pour la première fois, l’avocat paraissait un peu désarçonné.
    Peu d’enfants dormaient avec un instrument de ce genre à proximité de leur couchette. Le détective hocha la tête.
    — Veuillez vous exprimer à haute voix, monsieur Couture, ordonna le magistrat.
    — Oui, Votre Honneur. Ce bâton se trouvait près du mur de la chambre occupée par les deux petites filles.
    Il avait prononcé ces mots en regardant Francœur dans les yeux.
    — Et les deux autres... pièces à conviction? Vous les avez trouvées de la même façon ?
    — Non. Elles avaient été mentionnées, l’une par le suspect lui-même, l’autre par un témoin à l’enquête du coroner. J’ai demandé au petit garçon de me remettre les armes ayant servi à corriger sa demi-soeur.
    Les mots «armes» et «corriger», dans la même phrase, envoyaient un message contradictoire.
    — Vous connaissiez donc l’existence de ces... objets?
    — Comme je viens de vous le dire, à l’enquête du coroner, Exilda Lemay a parlé du manche de hache, et Télesphore Gagnon, du fouet.
    — Alors, une fois sur les lieux, vous avez demandé à cet enfant de onze ans de vous remettre un manche de hache et un fouet.
    La façon de présenter les choses donnait une tout autre allure à la démarche.
    — Non, monsieur. Je lui ai demandé de me remettre les instruments ayant servi à battre Aurore. Il est entré seul dans l’étable pour rapporter le fouet, et ensuite dans la forge, pour le manche de hache. Dans le cas du dernier objet, de sa propre initiative, Gérard a indiqué qu’on ne voyait plus de sang sur cette arme, car son père en avait coupé l’extrémité.
    Sur cette précision lourde de sens, l’avocat de la défense préféra ramener le policier au sujet précédent.
    — Selon vous, il y avait du sang sur la paillasse et la jaquette.
    — Oui.
    — Toujours selon vos observations, il y en avait aussi sur le plancher ?
    — Oui. Sur le mur aussi, près de l’emplacement du lit de la victime.
    L’avocat cherchait à amener le témoin à se contredire, à révéler des failles dans le récit, ou à le mettre en doute.
    — Comment savez-vous de quoi il s’agit ?

    — Par la couleur.
    — Par la couleur seulement ?
    — Oui, monsieur.
    L’avocat roula des yeux, demanda confirmation :
    — Vous pensez que c’est du sang ?
    — Pour moi, c’est du sang.
    — Prenez-vous sur vous de jurer que c’est du sang ?
    — Oui, monsieur, c’est du sang.
    Pareille assurance paraissait absurde au plaideur. Il préparait déjà ses effets de toge pour les jurés.
    — Et si c’était de la teinture d’iode ?
    — Si c’était de la teinture d’iode, cela aurait coûté pas mal cher pour en garnir aussi grand que ça.
    Le sourire amusé de Couture fit monter la colère de son interlocuteur d’un cran.
    — Avez-vous déjà fait des études, vous, sur le sang et la teinture d’iode ?
    — Je n’ai jamais eu cette chance. Mais vous pourrez demander à un spécialiste de vous rassurer.
    Le témoin gardait toujours sa contenance, répondait avec un naturel désarmant.
    — Vous persistez à jurer, sur la base de votre examen, que c’est du sang ?
    — Pour moi, c’est du sang.
    — Vous êtes sûr de ça ?
    — Pour moi, c’est du sang.
    Ce mauvais théâtre, sans jurés à convaincre, devenait ridicule. Le juge Choquette posa les yeux sur l’accusé, puis sur l’horloge accrochée au mur.
    — Messieurs,

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