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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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affirmations faites au détective. Ennuyé, le substitut du procureur regagna sa place. Se tournant à demi, il lança à l’intention du stagiaire :
    — Après cela, Francœur devrait me donner une partie de ses honoraires. Je n’ai fait que l’aider.

    L’avocat de la défense ne pousserait certainement pas sa générosité jusque-là. Toutefois, afin de conserver tous les points accumulés en sa faveur, il s’en tint à quelques questions sans importance à l’intention d’Emilien Hamel. Après lui avoir fait préciser les raisons et la durée de son séjour chez les Gagnon, il conclut :
    — Et pendant ces huit ou neuf jours, avez-vous vu monsieur Gagnon corriger Aurore une fois avec une hart plus petite que celle-ci ?
    — Oui, monsieur.
    — Votre Honneur, déclara l’avocat, je n’ai pas d’autres questions.
    Le magistrat indiqua au témoin de se retirer.
    — Maître Fitzpatrick? continua-t-il en se tournant vers la table de la poursuite.
    Le substitut du procureur se leva pour dire :
    — Nous
    entendrons
    maintenant
    monsieur
    Adjutor
    Gagnon, de la paroisse Sainte-Philomène-de-Fortierville.

    *****
    Le cultivateur dans la force de l’âge prêta serment sur les Saints Evangiles. Puis, pendant quelques minutes, Fitzpatrick chercha à définir les liens de voisinage d’Adjutor Gagnon avec la famille de l’accusé, de même que la période de ses dernières visites chez eux.
    — Maintenant, quand vous êtes allé les voir le 17 ou le 18 janvier dernier, vous avez aperçu la petite fille ?
    — Oui, monsieur, dans la cuisine, là.
    — Dans quel état était-elle ?
    — Elle avait les yeux noirs, ici et là.
    Du geste, le cultivateur désignait tout le contour des yeux, du milieu des joues à l’arcade sourcilière.
    — Vous êtes-vous informé de la manière dont c’était arrivé?
    — Non, mais sa mère nous a dit à ma femme et à moi...
    — Gagnon était-il là ?
    — Oui, monsieur... Elle nous a dit que cela était dû au fait qu’elle avait été dehors nu-pieds.
    Le rapport de cause à effet le laissait visiblement bien perplexe, sceptique même.
    — Gagnon a-t-il alors parlé de la victime ?
    — Il a dit qu’élever cette petite fille-là était très difficile.
    Puis, l’accusé a affirmé: «D’ici au printemps, je vais la placer. »
    — Qu’est-ce qu’il voulait dire ?
    — Ça, je ne sais pas.
    Ce genre de réponse trahissait la prudence excessive du témoin. Chacun savait que le mot «placer» signifiait mettre un enfant dans un orphelinat ou une école de réforme.
    L’euphémisme couvrait une réalité bien déplaisante. A la veillée des Lemay, se souvint Mathieu, tous comprenaient très bien le concept.
    — Vous dites que l’enfant avait les yeux noirs ? insista le substitut du procureur.
    — Oui.
    Le juge Choquette se pencha un peu, lui aussi laissé sur sa faim à ce sujet.
    — Quand la mère a attribué ces yeux noircis au fait qu’elle avait marché dans la neige, demanda-t-il, l’enfant a-t-elle répondu ?
    — Non, monsieur.
    — Avait-elle l’air de comprendre ce qu’ils disaient ?
    — Je ne peux pas dire.
    Les minutes suivantes, ce témoin évoqua aussi la réticence de la victime à faire la vaisselle. Les corrections servaient à la guérir de sa paresse. Mais un autre motif pouvait expliquer sa lenteur à se conformer aux directives.
    — Cette petite fille était-elle intelligente ? intervint encore le magistrat.
    — Je ne peux pas dire.
    Un homme sans formation médicale pouvait difficilement se prononcer, dans le contexte d’une enquête. Choquette abandonna le sujet pour se caler de nouveau dans son fauteuil.
    Fitzpatrick passa tout de suite à la journée du 12 février, le jour du décès. Le témoin expliqua les circonstances de sa présence en cet endroit. Le substitut s’intéressa longtemps à l’état physique de la victime, puis insista sur les mauvais traitements. Comme le témoin affirmait n’avoir rien vu, il conclut en se tournant vers son confrère :
    — Il est à vous.
    Francœur lui adressa un sourire chargé de fausse compassion.
    Après
    des
    informations
    somme
    toute
    rassurantes,
    sinon positives, le plaideur prit sur lui d’établir la fiabilité du badaud.
    — Vous êtes le deuxième voisin de l’accusé ?
    — Oui, monsieur.
    — A quelle distance, à peu près ?
    — Environ trois arpents.
    — Vous êtes cultivateur ?
    — Oui, monsieur.
    Le défenseur regarda l’horloge, puis son collègue, comme pour

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