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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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blessures. Mais ce n’est pas comme si quelqu’un avait vu ce qui est arrivé.
    — Et personne n’a rien vu, selon ce que tu disais tout à l’heure.
    Ils s’arrêtèrent, le temps que le serveur pose les assiettes devant eux.

    — Ils décrivent des corrections bien ordinaires, des choses qui se produisent dans bien des foyers.
    — Frapper un enfant ne me paraîtra jamais ordinaire.
    Une sourde colère pointait dans la voix de la jeune femme. Encore une fois, Mathieu résista à l’envie de poser des questions, respectueux de la pudeur de sa compagne.
    — Tu as bien raison. Un homme de cent quatre-vingts ou deux cents livres frappant une enfant qui en pèse trente ou quarante, ou sa femme pas beaucoup plus lourde, cela me dégoûte. Etre témoin de scènes pareilles, je ne sais pas ce que je ferais.
    Le ton laissait penser que regarder dans une autre direction n’entrait pas dans ses choix. Elle apprécia le mouvement d’humeur dans la voix.
    — Mais tu le sais bien, continua-t-il après un moment, même les religieux et les religieuses dans nos écoles entendent mener les enfants au ciel à coups de strappe.
    Songeuse, elle continua de couper sa pièce de viande.
    — Et demain, cela continue ? interrogea-t-elle.
    — Nous verrons la demi-sœur et une succession de nièces, de cousins, de voisines. Si tu voyais ça, tout le monde est apparenté avec tout le monde.
    — Je sais, c’est pareil à L’Ancienne-Lorette.
    Pendant le reste du repas, les derniers films à l’affiche occupèrent la conversation. Avec un peu de chance, Mathieu arriverait à entraîner sa compagne au cinéma Empire avant l’arrivée du printemps.

    *****
    Ce matin-là, en se rendant au palais de justice, Mathieu pestait un peu contre son emploi. Il le forçait à négliger ses cours à l’université. Le substitut du procureur général semblait entiché de lui, au point de souhaiter le voir assis au premier rang dans la salle, lors des diverses dépositions.
    Pourtant, cette attention ne semblait guère rendre les témoins plus productifs.
    En fait, l’avocat pariait sur une éventualité bien douteuse : sa bonne
    relation
    avec
    Marie-Jeanne
    lui
    avait
    permis
    d’obtenir quelques renseignements de première main. Il ne renonçait pas à s’appuyer sur lui pour l’amener à la barre des témoins, durant le procès. Pour cela, il s’attendait à le voir maîtriser tous les aspects de cette affaire.
    — Si j’échoue à mes examens, cela me fera une belle jambe ! ronchonna le garçon en entrant dans le magnifique palais de justice.
    La Faculté de droit ne badinait pas avec les étudiants peu assidus. Le substitut du procureur était intervenu lui-même auprès du doyen afin de le rassurer sur le sérieux de ce candidat. Pour compenser, Mathieu acceptait de passer une partie de ses nuits dans ses livres. Pour une fois, ses insomnies chroniques revêtaient un bon côté.
    En face de la salle d’audience, des paysannes, même dans leurs plus beaux atours, détonnaient toujours dans la faune de la ville. Attentionné, il leur serra la main, échangea quelques mots afin de les rassurer, avant de pénétrer dans l’enceinte.
    Fitzpatrick était assis à sa table, plongé dans ses notes. Il sentit la présence derrière lui, se retourna pour murmurer :
    — Couture m’a remis quelques lignes. Cela m’aidera un peu.
    Depuis son siège, l’avocat de la défense observait le conciliabule. Déjà, il s’était arrangé pour découvrir l’identité de ce jeune
    homme,
    et
    s’était
    également
    renseigné
    sur

    les motifs de sa présence à Sainte-Philomène juste après le drame.
    Le juge Philippe-Auguste Choquette entra dans la salle d’audience avec quelques minutes de retard. Devant l’assistance debout pour lui signifier son respect, il gagna sa place.
    — Maître Fitzpatrick? demanda-t-il.
    — Nous
    entendrons
    maintenant
    Albertine
    Gagnon,
    épouse de Joseph Badaud, de Sainte-Philomène-de-Fortierville.
    La matrone déplaça sa forte carrure jusqu’à la barre des témoins. Agée de quarante-cinq ans, elle paraissait moins subjuguée par le cadre grandiose que ses prédécesseurs.
    — Madame Badaud, commença le substitut du procureur, avez-vous vu l’accusé battre son enfant ?
    — Non, monsieur, jamais.
    — Maintenant, avez-vous eu une conversation avec lui au sujet de son enfant?
    L’avocat de la défense s’opposa à ce que l’on rapporte une conversation de l’accusé.
    — Racontez donc ce

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