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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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lui reprocher de les amener à travailler si tard, pour si peu de résultats. En se tournant en direction du juge, il conclut :
    — J’ai terminé, Votre Honneur.
    — Ajournement jusqu’à demain, répondit le magistrat en faisant claquer son maillet.
    Adjutor Gagnon resta planté debout, puis il se dirigea vers Mathieu Picard, le seul visage un peu familier de cette assemblée.
    — J’ai bien fait? questionna-t-il, un peu troublé.
    — Si vous avez dit toute la vérité, vous avez très bien fait. Personne ne vous demande autre chose. Je vous souhaite un bon voyage de retour.
    — Oh ! Je compte coucher à Québec.
    Peut-être espérait-il voir son interlocuteur lui offrir de lui faire visiter la ville. Son attente serait déçue. En récupérant ses dossiers, le substitut du procureur grommela, impatient:
    — Picard, vous m’accompagnez ?
    Mathieu salua le paysan d’un signe de tête, puis emboîta le pas à son patron.
    — Si cela continue ainsi, grogna le fonctionnaire une fois dans le corridor, ce couple ne se rendra même pas au procès. Couture nous recommande de bien curieux oiseaux.
    Surtout, je suppose que ces personnes, dans la chaleur de leur cuisine, les pieds sur la bavette du poêle, en racontaient des vertes et des pas mûres au policier. Ici, après avoir prêté serment, sous les yeux de leur colosse de voisin, ils deviennent bien prudents.
    Cela se pouvait bien. De retour chez eux, ces personnes se côtoieraient tous les jours.
    — Les gens convoqués pour demain... commença Fitzpatrick.
    L’homme chercha un instant dans ses feuilles.
    — Albertine Gagnon et Vitaline Lebœuf. Les connaissez-vous?
    — Elles étaient peut-être à la veillée chez les Lemay. Je ne saurais dire... Adjutor Gagnon y était, toutefois.
    — Oui, j’ai constaté que vous étiez devenus des amis...

    L’ironie n’échappa pas au jeune homme.
    — Allez, à demain, conclut l’employeur. Espérons seulement que Couture aura trouvé de meilleures prises, cette fois.

    *****
    Mathieu avait profité d’une pause entre deux témoignages pour réclamer un rendez-vous à Flavie. Aussi se retrouvèrent-ils dans le petit restaurant de la rue de la Couronne qui avait abrité leur première rencontre.
    — Je vais te coûter une fortune en repas, remarqua la jeune fille en posant son menu.
    — Mais si j’avais accepté ton offre d’une marche dans les rues de la Basse-Ville, je mettrais la même somme en remèdes, sans compter les risques de mourir de la tuberculose. Tu as vu le temps? Le mercure doit frôler le zéro Fahrenheit.
    — Ne fais pas de blague de ce genre. Une jeune fille du rayon des jouets a été admise au sanatorium au début de la semaine.
    La peste blanche exerçait toujours ses ravages dans la province. La Basse-Ville, avec ses logements parfois insalubres et ses corps épuisés, offrait un terrain de prédilection à la grande Faucheuse.
    La venue du serveur pour prendre les commandes les occupa un moment.
    — Elle était malade depuis longtemps ?
    — Le genre maigrichon et pâle, elle a toujours semblé en mauvaise santé. Au retour du congé du jour de l’an, la rumeur a circulé qu’elle crachait du sang.
    — Maigrichonne, tu dis? Je vais m’assurer que tu termines ton assiette.
    Si la remarque tenait de la boutade, Flavie reconnut dans le ton une préoccupation bien réelle. Mince sans être maigre, elle offrait aux regards des joues bien rondes et une peau de porcelaine. Elle arrivait à bien prendre soin d’elle malgré la modestie de sa condition.
    — De ton côté, les choses se passent bien ? questionna-t-elle.
    — Les témoignages ont commencé ce matin. Au terme d’une longue journée, la cause de mon patron ne paraît pas brillante. Soit les gens n’ont rien vu, soit ils ont vu des choses assez anodines.
    — Ce n’est pas le procès à proprement parler, n’est-ce pas?
    Même si le garçon ne la privait pas d’informations, Flavie demeurait un peu perplexe devant la complexité des procédures légales.
    — Non, maintenant, nous ne cherchons pas de coupable. A l’enquête préliminaire, un juge doit simplement s’assurer de la solidité de la preuve.
    — Tu m’as parlé de l’autopsie...
    Ce souvenir hantait parfois les nuits de la jeune femme.
    — C’est un élément important, mais indirect.
    — Le corps révèle des traces, mais il faut les interpréter, suggéra-t-elle.
    — Exactement. Ce matin, les médecins ont donné leur interprétation des

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