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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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exhibits ?
    — Oui, monsieur.
    Maître Francœur serrait les mâchoires, visiblement excédé. Mathieu surveillait aussi les mimiques de l’accusée.
    Le visage toujours dissimulé derrière son voile, elle paraissait impassible. Elle se courbait toutefois un peu vers l’avant, comme accablée.
    — Qui vous a remis ces objets ?
    — Marie-Jeanne m’a remis un tisonnier, un fer à friser et une corde.
    — Vous avez pu converser avec elle ?
    — Pendant une heure au moins.
    Le juge Choquette se pencha un peu pour lui demander :
    — Vous avez pu lui parler seul à seul ?
    — Oui. Nous nous sommes enfermés dans le salon, et je me suis assuré que personne n’écoutait à la porte.
    «Mieux aurait valu sortir», se dit Mathieu, assis au premier rang. Ces grandes maisons de ferme n’avaient pas été construites avec un souci de discrétion en tête. D’un autre côté, l’homme connaissait son métier.
    — Vous pouvez continuer, déclara le magistrat au substitut du procureur.
    — Le témoin vous a révélé à quel usage madame Marie-Anne Gagnon réservait ces objets ?
    Mathieu gardait les yeux en direction de la femme. Ses vêtements de deuil paraissaient grotesques dans les circonstances. Comme il lui aurait volontiers arraché ce damné voile, afin de plonger son regard dans le sien ! Sans doute comprendrait-il ainsi un peu sa motivation.
    D’une voix monotone, le détective énuméra les tortures infligées avec le fer à friser, puis avec le tisonnier.
    — Mais l’enfant devait s’enfuir, s’exclama Fitzpatrick, de l’horreur dans la voix.
    — Non, car l’accusée l’attachait au préalable.
    Cette fois, le jeune stagiaire eut l’impression de voir frémir le corps de Marie-Anne Houde.
    — Vous voulez dire avec ce câble ?
    Le procureur tenait une méchante corde de chanvre tressée. Ce lien devait laisser une profonde morsure sur les chevilles et les poignets, si une personne se débattait pour s’en défaire. Le cadavre portait justement des marques de ce genre.
    — Oui. Elle était attachée à la table, près du poêle, dans la cuisine d’été.
    Comme dégoûté, Fitzpatrick laissa tomber le lien en déclarant :
    — Je n’ai plus de questions, Votre Honneur.
    — Maître Francœur, enchaîna le juge, c’est votre tour.
    — Mon collègue, Louis Lame, prendra plutôt le relais.
    Le jeune avocat se leva avec lenteur, marcha vers le policier en le
    toisant
    bien.
    Il
    semblait
    étrange
    de
    voir
    ce
    débutant contre-interroger un témoin expérimenté. Peut-être que le député, président de l’Assemblée législative, ne souhaitait pas se faire mettre en boîte de nouveau par le détective.
    — Monsieur Couture, vous insistiez tout à l’heure sur la saleté de la chambre de l’enfant. Ce sont de pauvres gens, n’est-ce pas ?
    — Ils m’ont l’air de cultivateurs assez en moyens, mais je ne connais pas le détail de leurs affaires.
    — Vous avez souvent l’occasion d’aller chez des cultivateurs ?
    — Oui, monsieur.
    — Certains sont propres, et d’autres malpropres, n’est-il pas vrai ?

    Après les éléments révélés par le policier, cette insistance sur les conditions d’hygiène des fermes de la province paraissait futile.
    — Oui, monsieur, répondit encore Couture d’une voix neutre.
    — Cela ne doit pas être une chose extraordinaire, de trouver une chambre malpropre comme ça ?
    — Comme cette chambre-là, c’est extraordinaire.
    La conversation porta sur les traces de sang, puis Larue changea de sujet abruptement.
    — Marie-Jeanne est encore une enfant.
    — Elle a douze ans. Dans ce milieu, à cet âge, on occupe souvent un emploi.
    — Tout de même, elle demeure une enfant. Croyez-vous tout ce qu’elle vous a dit ?
    — Je n’ai aucune raison de douter d’elle.
    Couture lui adressa un sourire en coin, l’air de dire : « Si elle témoignait pour la défense, son âge vous conviendrait très bien. »
    — Elle peut mentir. Peut-être a-t-elle quelque chose contre ses parents, une rancœur d’enfant justement. Elle a déjà menti, dans le cadre de cette affaire. Lors de l’enquête du coroner...
    — Je sais, j’étais là. Ce soir-là, elle est rentrée à la maison dans un traîneau, assise entre son père et sa belle-mère.
    Vous aussi, maître, avec la perspective de passer la soirée en pareille compagnie, avec en tête le souvenir de leur façon d’utiliser un tisonnier et une corde, vous vous seriez peut-être un peu éloigné

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