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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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n’y avait pas de paillasse, rien. Il y avait un oreiller et pas de couverture.
    Ce témoin de l’accusation accomplissait un excellent travail. Fitzpatrick dissimulait mal sa satisfaction.
    — Maintenant, avez-vous vu Aurore se faire battre à d’autres occasions ?
    — Oui, monsieur.
    — Quand ?
    — En lavant sa vaisselle.
    — Pourquoi la battait-elle ?
    — Pour s’amuser, je pense...
    Le juge s’avança au-dessus du banc, comme pour mieux voir la jeune fille.
    — Elle a dit : « Regarde, Marguerite, elle lave bien ça, la vaisselle, quand je lui donne des coups», poursuivit le témoin en rougissant. Elle ajouta : «Je te dis que je vais lui faire laver la vaisselle, moi. »
    — Je n’ai plus de question, Votre Honneur, conclut Fitzpatrick.
    Francœur laissa son associé mener le contre-interrogatoire.
    — La connaissiez-vous bien, la petite Aurore ?
    — Je l’avais vue une fois, quand elle restait chez mon oncle Octave Lord.
    — Elle était malcommode ?
    — Non, monsieur, plutôt tranquille.
    Voilà qui tranchait avec les opinions émises deux semaines plus tôt. L’avocat enchaîna:
    — Qu’est-ce que vous alliez faire chez monsieur Gagnon ?
    — J’allais là pour me promener et voir un peu ce qui se passait.
    Son interlocuteur adopta un air étonné, comme si la réponse le prenait au dépourvu.

    — Qui vous a envoyée voir ce qui se passait ?
    — Maman et papa m’ont dit: «Tu vas y aller, et puis tu verras si c’est le cas ou si ce n’est pas le cas. » Nous autres, on entendait dire des choses par le monde. Mes parents voulaient savoir.
    — Et c’est pour ça que vous y êtes allée ?
    — Oui, monsieur.
    Mathieu ferma les yeux, laissa échapper un long soupir.
    Les gens soupçonnaient des mauvais traitements. Toutefois, personne n’avait jugé bon de faire quelque chose avant le début de février.
    — Etes-vous allée les espionner pour rendre un jour témoignage contre madame Gagnon ?
    — Ah non, je ne m’attendais pas à ça.
    Venue d’une traite, la réponse montrait une sincérité parfaite. La conversation porta alors sur ses liens de parenté avec le couple Gagnon. Comme les deux époux avaient le même patronyme, on s’y perdait rapidement. Le magistrat se renseigna :
    — C’est votre oncle, le père ?
    — Oui, monsieur.
    « Si elle témoignait contre le père, serait-elle aussi efficace ? » se demanda Mathieu. Chargeait-elle cette
    «étrangère»
    de
    Sainte-Sophie-de-Lévrard,
    une
    paroisse
    située dans un autre diocèse et un autre comté ?
    — Vous y êtes allée seulement une fois, en tout et pour tout, après le second mariage ? reprit Larue.
    — Oui, monsieur.
    — Comment se fait-il que vous ayez juré tantôt qu’il était à votre connaissance que madame Gagnon l’avait battue avec un éclat, puis avec un rondin de cèdre, sur les genoux, et encore pendant qu’elle lavait la vaisselle, si vous n’y êtes allée qu’une fois seulement ?
    — Elle l’a battue quatre fois pendant mon séjour.
    Le calcul semblait tout simple à la jeune fille, mais même le magistrat paraissait trouver que cela faisait beaucoup de mauvais traitements en une visite.
    — Est-ce dans la même journée, ça ? demanda-t-il.
    —Non,
    monsieur,
    dans
    la
    même
    semaine.
    Marie-Jeanne avait évoqué des raclées tous les deux jours, se souvint Mathieu.
    — Vous êtes restée là pendant une semaine, enchaîna maître Louis Larue, un peu troublé. Pendant ce temps, la petite Aurore a-t-elle découché souvent ?
    — Non, monsieur, elle n’a pas découché.
    Marguerite Lebœuf ouvrait de grands yeux surpris.
    Comment cet homme pouvait-il imaginer qu’une fillette de dix ans puisse passer ses nuits dehors ? Les mœurs de la ville devaient être bien étranges.
    — Ne sortait-elle pas avec les petits garçons ?
    L’avocat venait de mettre en cause la moralité sexuelle d’une petite fille de dix ans !
    — Non, monsieur.
    Larue indiqua au juge qu’il n’avait pas d’autres questions.
    — Je vous remercie, mademoiselle, intervint le juge, vous pouvez rejoindre votre mère.
    Les deux se serrèrent au bout du banc. Le magistrat demanda à l’intention du procureur de la Couronne :
    — Avez-vous d’autres témoins ?
    — Non, Votre Honneur. L’enquête se poursuit. Si nous découvrons de nouveaux éléments, mes savants confrères et vous-même en serez tout de suite avisés.
    Philippe-Auguste Choquette tourna les yeux vers la table de la défense. A la fin

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