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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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étudiant de première année en droit? ironisa Napoléon Francœur.

    Vous devez être aux abois.
    — Ah ! Pardon, rétorqua le jeune homme, je suis en deuxième année.
    Le substitut du procureur général toisa Louis Larue des pieds à la tête.
    — Nous avons tous les deux un peu besoin d’aide. Si vous croyez avoir perdu au change avec celui-là, revenez dans deux ans. Mon stagiaire aura son diplôme.
    Le jeune disciple de Thémis rougit sous l’offense, puis se décida à gagner sa chaise.
    — Là, vous êtes un peu cruel, ricana Francœur.
    Adversaires aujourd’hui, les deux se rencontraient à toutes les activités du Parti libéral. Leur inimitié se terminerait avec ce procès... jusqu’au prochain.
    — On ne se refait pas.
    Leur conversation cessa à l’entrée des accusés. Pour l’occasion, Marie-Anne avait relevé son voile à la hauteur de son chapeau. Mathieu fut étonné de la trouver si banale.
    En même temps, son allure un peu hébétée lui conférait une grande étrangeté.
    Puis, ce fut au tour du juge Philippe-Auguste Choquette de gagner son fauteuil derrière le banc, affairé et imposant.
    — Dans la cause de Télesphore Gagnon, commença-t-il, l’accusation de meurtre est maintenue.
    Mathieu regarda le colosse. Son visage demeurait impassible. «
    Comprend-il les conséquences de cette décision ? »
    se demanda-t-il.
    — Dans l’affaire de Marie-Anne Houde, épouse Gagnon, l’accusation de meurtre est maintenue.
    — ... Non, cela ne se peut pas ! murmura la femme en se tordant les mains.
    Celle-là comprenait très bien. Le magistrat porta les yeux sur elle, prêt à demander aux agents de la paix de la faire sortir si elle ne retrouvait pas très vite son calme.
    — Les procès se tiendront aux assises criminelles du mois d’avril. D’ici là, les accusés demeureront incarcérés.
    Les derniers mots furent soulignés d’un claquement de maillet. La foule afficha sa déception à l’égard d’une conclusion si expéditive. Certaines personnes préférèrent quitter la salle tout de suite, sans attendre l’affaire suivante.
    — Nous allons donc nous fréquenter encore tout au long du prochain mois, déclara Fitzpatrick en s’arrêtant près de la table de la défense.
    — Je ne dirais pas que c’est un plaisir, répondit Francœur, mais je ferai contre mauvaise fortune, bon cœur.
    — Alors, à bientôt.

    *****
Pendant les deux semaines suivantes, la vie de Mathieu fut un peu moins frénétique. Mise sur la glace jusqu’à l’ouverture des assises criminelles, l’affaire Aurore Gagnon ne nuisait plus à ses études. Malheureusement, les procès auraient lieu avant la fin du semestre, pendant les examens finaux.
    En conséquence, il s’accordait tout au plus une petite heure après le souper afin d’échanger quelques mots avec ses voisins de la pension. Les étudiants se révélaient plutôt sympathiques, partagés équitablement entre le droit et la médecine. Les députés, au nombre de trois, étaient des libéraux.
    L’affluence dans le salon commun, au rez-de-chaussée, était en partie redevable au charme de l’hôtesse. Après une dizaine de mois à jouer ce rôle, sa grâce et son aisance participaient à la renommée de la maison.
    — Votre mère se porte bien ? demanda-t-elle au jeune homme.
    Tous les deux occupaient des sièges voisins, une tasse de thé à la main. Devant des témoins, ils s’en tenaient au vouvoiement. Dans l’intimité, ils devenaient moins stricts.
    — Elle paraît se porter à merveille. Je suis encore passé la voir tout à l’heure, un peu avant la fermeture du magasin.
    — Les deux familles cohabitent bien ? continua-t-elle dans un souffle.
    L’allusion aux situations familiales des autres exigeait un peu de discrétion.
    — Maman s’entendait déjà très bien avec les deux filles Dubuc. Bien sûr, l’absence de Thalie, tout comme la mienne, rend les choses plus faciles. Ne serait-ce que pour éviter de se marcher sur les pieds. L’appartement n’est pas si grand.
    — Cet arrangement semble heureux pour eux comme pour vous, je crois.
    — Vous voyez ma façon de vivre. Le cadre familial était un peu étroit.
    Son interlocutrice lui adressa son meilleur sourire. Elle ne pouvait s’empêcher de songer combien ce grand garçon sage présentait un fils idéal. Tout au plus travaillait-il un peu trop pour la préservation de sa santé. Bien sûr, elle l’entendait parfois sortir très tard pour aller

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