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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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s’épuiser dans une marche interminable. Cela lui paraissait être une faute bien bénigne.
    — Madame Picard, intervint l’un des députés originaires de la région de Montréal en profitant d’une pause dans la conversation, vous ne trouvez pas votre nouvelle vie bien contraignante ? Vous ne paraissez pas avoir pris une journée de congé depuis septembre.
    — Mais comme vous retournez régulièrement rejoindre votre épouse, comment tirez-vous une pareille conclusion ?
    opposa-t-elle avec un sourire narquois. Me faites-vous espionner ?
    Parfois, la veuve se sentait un peu comme une reine mère dans sa ruche. Ces hommes lui tournaient sans cesse autour, même les plus jeunes. Certains jours, elle pensait à les chasser pour louer toutes ses chambres à des femmes. Elle renonçait à ce projet en se disant que dans ce cas, elle devrait réduire le loyer mensuel. Ces notables la payaient fort bien.
    — Non, non, protesta l’élu. Mais vous semblez si occupée.
    — Je ne le suis pas tant que cela : vous me voyez en train de boire du thé avec vous !
    — Pour notre plus grand plaisir...
    Allant sur ses soixante ans, l’homme ne comprenait pas combien conter fleurette lui convenait peu. La sonnerie du téléphone épargna à Elisabeth l’effort de trouver une réponse à la fois polie et ferme, pour le ramener à des sujets plus innocents.
    — Excusez-moi.
    Un instant plus tard, elle revint en disant:
    — Mathieu, c’est pour vous.
    Ce fut à son tour de s’excuser avant de passer dans le minuscule bureau attenant à la réception. Le téléphone se trouvait sur un petit secrétaire.
    — Oui, j’écoute.
    — Picard ?
    — C’est moi.
    — Oréus Mailhot.
    Son temps de relative quiétude achevait, l’étudiant le comprit tout de suite. Il replongerait bientôt dans cette horrible histoire.
    — Bonsoir, monsieur Mailhot. Vous portez-vous bien ?
    — Oui. Je m’inquiète toutefois pour les enfants.
    Avec un moyen de communication aussi peu discret que le téléphone, mieux valait demeurer vague.
    — Quelque chose est survenu, susceptible de vous alarmer ?
    — Non, mais comme nous approchons de la date fatidique, je suppose que la pression deviendra de plus en plus forte.
    Les grands-parents, mais sans doute aussi des oncles et des tantes, devaient tenter de les convaincre de se faire discrets, sinon tout à fait silencieux.
    — Je vois. Je peux faire quelque chose ?
    — Demain, je vais les conduire à l’hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance, à Lévis. Décision du juge de paix. Ils habiteront là pendant... les événements. J’ai pris les arrangements nécessaires. Ensuite, nous aviserons.
    — Vous avez bien fait.
    Mathieu se demandait toujours pourquoi cet homme lui racontait tout cela.
    — La petite fille m’a dit qu’elle aimerait vous parler de nouveau.
    — ... Je comprends.
    — Pouvez-vous venir nous accueillir demain à la gare de Lévis ? Cela la rassurerait. Nous arriverons un peu avant midi.
    Un peu avant midi, le 2 avril, le jeune homme avait prévu aller accueillir sa sœur à la gare du Canadien Pacifique. Ce serait le Vendredi saint, et l’Université McGill, tout comme l’Université Laval, faisaient relâche. Il devait changer ses plans, Thalie comprendrait.

    — Bien sûr, je serai là.
    La preuve de la Couronne paraissant bien fragile, le témoignage de la petite fille pouvait emporter la décision.
    Il représentait un enjeu.
    — Vous pouvez compter sur moi, enchaîna Mathieu.
    — A demain.
    — A demain.
    Après avoir raccroché, le jeune homme resta un instant pensif. De retour dans le salon, il déclara :
    — Je vous prie de m’excuser tous. Comme demain le devoir m’appellera une autre fois, je dois sortir.
    — Ah ! Le procès de ces deux tortionnaires de la campagne, s’exclama le député énamouré. Voilà une bien sordide affaire.
    — Les assises criminelles commenceront mardi prochain. Je dois me remettre au travail.
    — Francœur se promène dans les couloirs de l’Assemblée en répétant que les choses sont bien emmêlées dans cette histoire. Selon lui, les journaux exagèrent grandement la cruauté de ces gens. Il prédit une victoire.
    L’avocat de la défense travaillait-il à changer l’opinion publique en commençant par ses collègues, ou voulait-il seulement diminuer le tort fait à sa réputation avec une histoire si impopulaire ?
    — Si les choses sont si emmêlées, opina le jeune homme, comptons sur Fitzpatrick pour les tirer

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