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Mathilde - III

Titel: Mathilde - III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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aujourd’hui. Emmenez-la, voyons, ma
fille.
    – Je partirai pas tant que j’aurai pas vu M. Daudet pour lui
dire toute ma peine.
    – Mais je vous ai déjà dit que M. Daudet ne viendrait pas et
vous lui avez déjà présenté vos condoléances.
    – Ah ! vous croyez vraiment ? fit Mme de Saint-Chou le
regard hagard.
    Mme de La Joyette soupira, se sentant soudain dépassée par la
situation.
    – Ma fille, dit-elle alors à Louison, demandez au Dr Jacob
de bien vouloir venir.
    Le médecin ne tarda pas, mais, comme la grande majorité des
invités, il était quelque peu éméché et – Mme de La Joyette ne
comprit pas pour quelle raison – son père le baron et le préfet
Mafouin l’accompagnaient.
    – Ils vont tous les tuer les uns après les autres, marmonna Mme
de Saint-Chou de plus en plus absente au monde.
    – Oh ! la la ! fit le baron Stern en hoquetant malgré
toute son éducation.
    – De quoi parle-t-elle ? demanda le préfet Mafouin son
instinct professionnel en éveil quoique quelque peu embrumé.
    – Depuis l’assassinat de Marius Plateau, elle est persuadée que
l’Antifrance va abattre les leaders de l’Action française les uns
après les autres, fit le médecin en haussant les épaules. Avec le
suicide du petit Philippe et la relaxe de la meurtrière de Plateau,
son délire ne s’est pas arrangé. Moi, j’y peux rien, je ne suis pas
psychiatre.
    – Mais en quoi cela la concerne-t-elle ? s’enquit Marcellin
Mafouin.
    – C’est une de ces Dames d’Action française, répondit Mathilde.
Elle a toujours été un peu exaltée.
    – Un peu folle, plutôt, la reprit d’un ton détaché le
Dr Jacob. En tout cas, moi, je n’y peux rien. Je ne suis pas
psychiatre. Il faudrait juste l’allonger quelque part pour
l’instant et que quelqu’un la surveille.
    – Le suicide de Philippe Daudet a laissé libre cours à nombre de
rumeurs et tout cela n’est pas fini, dit le préfet en se
désintéressant du sort de Mme de Saint-Chou et en fixant le masque
de cuir du capitaine Marchal dont la présence ne semblait pas le
surprendre. Les secrets de famille sont parfois bien mystérieux,
n’est-ce pas ?
     
     
    Une fois Mme de Saint-Chou transportée dans le petit salon du
rez-de-chaussée et laissée à la garde de Louison, Mme de la Joyette
se hâta de rejoindre ses invités qu’elle n’avait que trop délaissés
en compagnie de son père, du préfet et du Dr Jacob qui devisaient
tous trois gaiement sur les mystères de la folie.
    Une exclamation générale accueillit le retour de l’hôtesse, ce
qui flatta Mathilde satisfaite de constater que si, antérieurement,
sa présence n’avait guère été remarquée, son absence l’avait
été.
    – Chère amie, l’interpella à haute voix le comte de la Fallois
qui n’avait jamais supporté la vodka, nous étions précisément en
train de dire que, si crue il doit y avoir, vous seriez l’une des
premières à avoir les pieds dans l’eau.
    Son ami était hilare ainsi que la plupart de ceux qui l’avaient
entendu, mais, pour sa part, elle trouvait cela du plus mauvais
goût car la crainte d’une crue telle que celle de 1910 était à
présent quasiment une certitude.
    – Nous devrions prendre des paris ? proposa sottement le
marquis de Flaux de sa voix flûtée.
    – Ah ! ma pauvre, si vous aviez vu ça ! lui dit la
princesse d’Heubeux en accaparant Mathilde. C’était un lac devant
la gare Saint-Lazare et l’eau s’était infiltrée dans celles d’Orsay
et d’Austerlitz. Et je ne vous parle pas de votre rue qui sera
encore parmi les premières à être inondées ! Mais là n’est pas
le plus grave. Vous ne pouvez avoir idée du nombre d’avaries de
conduite de gaz, du téléphone qui était coupé. Et le chantier du
métro qui était envahi par les eaux des égouts ! C’est simple,
le gaz n’a été rétabli qu’en mars et l’électricité en mai. Mais
circuler en barque était des plus pittoresques, n’est-ce pas,
Hector ? gloussa-t-elle en se tournant vers son mari.
    – Mais fort incommode, ma chère, fort incommode, fit ce dernier
la voix pâteuse.
    – Mais, dites-moi, chère, reprit la princesse, nous n’avons pas
encore eu l’opportunité de saluer cette nouvelle femme de lettres,
Rebecca Mauclair, pour laquelle vous avez organisé cette délicieuse
soirée…
    Mathilde en resta interloquée et se sentit soudain étrangère à
sa propre réception. Fort opportunément, Maxime Real del Sarte vint
la

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