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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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à manger à vérifier les derniers préparatifs du repas de Noël. M me Dussault avait insisté pour faire un centre de table en sapinage, y piquant des bougies tellement nombreuses et tellement hautes qu’Élisabeth était certaine que les convives ne se verraient pas, ayant la vue obstruée par une forêt naine.
    La nourriture préparée par M me Dussault n’était pas familière à Élisabeth, mais celle-ci s’était promis de tout manger sauf en cas d’indigestion. Les Dussault recevaient leurs parents et amis et Élisabeth savait que pour elle ce serait un jour déterminant. Il lui fallait absolument être appréciée car, chaque matin depuis son arrivée dans cette maison, elle avait eu peur d’être forcée de partir, voire de fuir. Même si elle mangeait trois repas par jour, pas toujours bons au goût de ses papilles polonaises, même si elle n’avait pas de difficultés avec les enfants, même si elle effectuait correctement son travail à la clinique du médecin, elle avait la crainte quotidienne que tout s’effondre, que son château fût de sable. Trois fois déjà, elle avait vu sa vie retournée comme une vieille chaussette élimée,et elle avait maintenant les pieds frileux. Plus jamais elle ne voulait avoir à tout recommencer. La nouveauté l’effrayait.
    Élisabeth entendit M me Dussault l’appeler. Elle s’empressa de la rejoindre, frappa à la porte de la chambre et fut priée d’entrer.
    – Je ne suis pas capable de monter ma fermeture.
    M me Dussault était irritable et nerveuse. Élisabeth ne mit qu’une seconde à décoincer un bout de dentelle de jupon et à fermer la robe. Elle voulut complimenter madame Dussault sur sa toilette mais fut sèchement priée de retourner près des enfants. Elle se retira donc de la chambre le plus discrètement possible et redescendit dans la salle à manger pour s’assurer une dernière fois que tout était parfait. Les enfants étaient sagement assis dans le salon, chacun un livre dans les mains. Élisabeth pensa tristement que jamais Adam n’aurait pu tolérer d’être si raisonnable quand, sous un sapin illuminé, il y avait un amoncellement de cadeaux.
    Élisabeth s’approcha de la fenêtre du salon, tira le rideau et soupira en regardant la neige tomber lourdement. Elle était partagée entre la fascination qu’exerçait la beauté de cette nuit de conte de fées, assaillie par des paillettes translucides, et l’angoisse que le vent un peu trop zélé n’empêche Jan et le père Villeneuve de franchir la distance de Saint-Adolphe à Saint-Boniface.
    Élisabeth laissa retomber le voilage et passa à la cuisine, enfila un tablier et vérifia la quantité de crudités qui baignaient dans l’eau remplie de glaçons pour s’épanouir en fleurs ou friser en boudins. Satisfaite, elle ouvrit la porte du tambour pour regarder lespiles de pâtés à la viande et les casseroles de ragoût de boulettes de porc. Elle n’avait jamais goûté à ces mets et se demandait si elle les aimerait. Elle les aurait volontiers baignés de crème sure.
    Élisabeth ôta le couvercle d’une boîte de fer-blanc remplie de beignets saupoudrés de sucre et résista mal à la tentation d’en manger un. Elle revint dans la cuisine et arrosa la dinde. M me Dussault lui avait demandé de le faire aux quinze minutes. Elle regarda l’heure et se demanda quand arriveraient les premiers invités. Elle ne cessait de penser à son frère qu’elle n’avait pas revu depuis la messe du 5 décembre. Depuis ce jour, elle avait la lancinante certitude que son Jan était malheureux.
    La neige du trottoir crissa et l’escalier extérieur vibra sous les pas des premiers arrivés. Grégoire et Philippe se collèrent le nez à la fenêtre pour les voir et, dès qu’ils les reconnurent, ils se mirent à sautiller sur place telles des marionnettes dont le manipulateur n’aurait cessé de tirer les ficelles de bas en haut.
    Le carillon de la porte d’entrée résonna et Élisabeth enleva son tablier pour être plus présentable. Elle jeta un coup d’œil dans la glace du couloir, replaça une mèche et vit que les Dussault descendaient l’escalier, la mine réjouie. La tension de M me Dussault avait probablement disparu au premier coup de sonnette.
    Les invités, souriants, étaient arrivés à la queue leu leu, secouant la neige de plus en plus lourde qui leur écrasait les épaules. Il ne manquait que Jan et le père Villeneuve et Élisabeth s’en inquiéta et s’en

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