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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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attrista, profitant de chaque seconde libre pour regarder la rue, oubliant même, à une occasion, d’arroser la dinde. Le temps fuyait et les Dussault se demandaient s’ils ne devaient pas faire la distribution des cadeaux.
    – Vous devriez. Le père Villeneuve et mon frère seraient certainement tristes de savoir que leur retard fait mourir les enfants d’impatience.
    Les enfants Dussault lui firent un sourire de remerciement alors que les autres cousins et amis se contentèrent de crier la fin du supplice avant de s’écraser devant le sapin et d’ajouter la brillance de leurs yeux à l’éclat des lumignons électriques fixés aux branches.
    Le père Villeneuve chantonnait le
Minuit chrétien
lorsque, malhabile comme toujours, il dérapa et aboutit dans un champ. Il ne put se dégager seul, s’enfonçant davantage à chaque tentative, et il se résigna à marcher jusqu’à la plus proche maison. La neige attaquait violemment sa figure et son col romain et il s’en voulut de n’avoir pas apporté de foulard ni des gants mieux fourrés. Il revint sur ses pas, calant dans la neige jusqu’aux mollets. Il soupira en pensant que ses jambes de pantalon auraient l’air de deux tuyaux de poêle et que ses chaussures, si bien cirées par les religieuses, seraient ternies. Le Seigneur trouvait toujours une façon humiliante de le punir de son trop grand amour-propre. Les cils soudés par des flocons fondus, il s’approcha de la maison aperçue quelques minutes plus tôt mais, à son grand désespoir, ne vit aucune lumière. Il continua son chemin et tenta de trouver un autre refuge.
    La neige s’alourdissait et le vent semblait vouloir se mettre de la partie. Il lui fallait absolument joindre Jan pour lui éviter toute inquiétude. La deuxième maison était habitée et il entendait de la musique sortir par toutes les ouvertures mal calfeutrées. Plus il s’approchait, plus il discernait les pas de danse des fêtards. Intimidé, il fut forcé de frapper trois fois,le bruit assourdissant tous ses coups trop discrets. On lui ouvrit enfin et il fut accueilli à bras ouverts, comme si son nom avait été sur la liste des invités. Il pensa, l’instant d’une fierté mal placée qu’il tenta de camoufler pour que le Seigneur ne la voie pas, que le col romain était vraiment un passe-partout. On le força à boire une eau-de-vie qui brûla sa gorge gelée par le froid. On le fit asseoir en promettant d’aller le dépanner dans quelques minutes. Il regarda l’heure à sa montre et pensa que Jan devait s’impatienter. Il voulut innocemment brusquer l’amabilité des gens mais il se tut, ne voyant pas de quel droit il pouvait éteindre les éclats de rire et de plaisir.
    Les minutes s’accumulèrent et formèrent des demi-heures. Plus le temps passait, plus Villeneuve paniquait. On lui versa un deuxième verre qu’il refusait encore en en avalant la dernière gorgée. Au troisième, il ne savait plus comment dire «non», alors il le sirota. Au quatrième, il fit une prière pour que Jan et Élisabeth lui pardonnent de conduire sa voiture si maladroitement et de se comporter si mal. Lorsque enfin il eut un sursaut de conscience, il se leva rapidement et demanda le téléphone. Ce n’est qu’alors qu’il apprit que ses hôtes n’en avaient pas. Découragé et honteux de la punition de son Créateur, il retomba sur sa chaise, au grand plaisir de tous, et avala une autre gorgée de feu en se promettant de se confesser le lendemain matin.
    Jan quitta la fenêtre et enleva les seuls vêtements encore propres et seyants qu’il possédait. Depuis son arrivée, à peine deux mois plus tôt, il avait, à son grand désespoir, pris deux bons centimètres. S’il n’avait pas d’objection à grandir, il se désolait de voir rétrécirsa garde-robe. Après avoir suspendu ses vêtements des grandes occasions, il remit ses hardes puantes et usées et alla voir M. Bergeron pour le prévenir de sa présence.
    – Le père Villeneuve conduit si mal que je ne serais pas étonné qu’il se soit enfoncé quelque part.
    M. Bergeron rit de plaisir. Savoir Villeneuve coincé le ravissait et voir son Galicien forcé de travailler le jour de Noël n’était pas sans lui déplaire non plus.
    – Si c’est comme ça, je m’en vais à Saint-Pierre.
    Il avait parlé comme s’il avait demandé une espèce d’approbation.
    – Vous n’avez pas de permission à me demander.
    Jan parla poliment, comme toujours. Seul son regard

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