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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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longtemps ce petit régime. Je ne sais pas pourquoi mais je trouve que les Allemands sont de plus en plus belliqueux. Penses-tu qu’ils sont en train de perdre la guerre?
    – Ils s’acharnent beaucoup sur Londres.
    – Londres?
    – C’est ce que j’ai entendu au Wawel.
    Jan, qui était rentré les bras chargés, déposa le tout sur la table. Zofia gronda M. Jacek d’en apporter trop. Jan descendait pour chercher le dernier carton de M. Porowski lorsqu’il fut forcé de remonter l’escalier à reculons, Schneider montant avec le carton. Il le plaça sur une table du salon sous le regard étonné de Jan.
    – Meister
Porowski n’est pas prudent. J’ai vu des voyous reluquer ses provisions dans le hall de la maison.
    – Des voyous dans le hall?
    – Ils ont dû vous suivre,
Meister
.
    Là-dessus, devant un Jan muet d’étonnement, il entra dans sa chambre et referma la porte doucementcomme il le faisait toujours. Ce soir-là, Tomasz et Zofia parlèrent de l’événement.
    – Qu’est-ce que tu penses qu’il voulait dire quand il a dit qu’il n’était pas prudent?
    – Rien d’autre que ça. C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui aimeraient mettre la main sur ce qu’il nous apporte.
    – Tu es trop confiante, Zofia.
    – Et toi, tu es trop méfiant.
    La discussion ne s’acheva que lorsque Zofia s’endormit entre deux phrases. Elle était lasse de la peur et préférait chercher des raisons de l’ignorer, alors que Tomasz, lui, avait de plus en plus peur. Il avait les nerfs à bout de passer vingt-quatre heures par jour en compagnie d’Allemands. Malgré cela, il trouvait quand même le moyen de tenir des rencontres avec les autres conspirateurs de l’université clandestine et de superviser l’expédition de matériel aux étudiants.
    Tomasz eut énormément de mal à trouver le sommeil. Ses craintes étaient aussi énormes que ses responsabilités. Il y parvint pourtant, même s’il se désolait en pensant que ses cinquante-quatre ans commençaient à peser sur toutes ses résistances.

21
    Jerzy regardait approcher l’infirmière. Encore l’heure des médicaments et du changement de pansements. Encore l’heure du martyre et de la pénicilline brûlante. Il tourna la tête pour observer le mur pas trop propre et dont il connaissait toutes les fissures. Depuis des mois, comme un enfant, il inventait et réinventait une histoire pour chacun des dessins faits par les éclaboussures de sang. Il avait vu des nuages et des animaux, des aliments et des instruments de musique. Il avait même tenté de retrouver les traits de gens qu’il aimait. En vain. Les murs demeuraient tachés de ce sang qui fonçait de jour en jour. Jerzy ferma les yeux et tenta de se dissimuler le plus grand de ses maux. Il n’avait plus envie de se battre pour vivre. Il était las de cette mortelle routine qui n’avait qu’une seule parente, celle du rituel funéraire. Ici, toutefois, on n’enterrait pas les morts. On les soignait et on leur faisait croire qu’ils étaient vivants. On les aspergeait d’encouragements tous plus mièvres les uns que les autres. On les encensait de fumée de cigarettes américaines. On ne les avait pas cloués sur une croix mais sur un lit. Heureusement qu’il avait un tout petit espoir de quitter ce semblant de caveau qu’ils appelaient hôpital. Il rouvrit les yeux et regarda son voisin de lit, qui semblait ne pas être mieux que lui. Jerzy lui sourit.
    – Ça va?
    – Oui. Et toi, ça va?
    – Merveilleusement bien. Et encore mieux quand je pense que demain les douleurs vont être moins aiguës et qu’avec un peu de chance j’irai au concert.
    Jerzy ne savait pas pourquoi il disait toujours que les choses allaient bien quand il se sentait mal à mourir et que la vie était belle uniquement quand il fermait les yeux pour ne pas la voir. Il ne voulait pas être déprimant à côtoyer. Il pleurait donc sa douleur la nuit, et la couvrait de rires le jour.
    Le changement de pansements avait duré des minutes et des minutes de souffrance que les trois comparses avaient transpirée abondamment, les mâchoires «serrées comme des cuisses de vierge», disaient-ils.
    – Allez, allez, messieurs, le pire est fait. Il est seize heures et c’est l’heure de la pénicilline.
    Jerzy fit un large sourire et offrit d’être le dernier à recevoir son injection, ses amis, brillants héros australiens, méritant de déguster la cuvée en premier.
    – Je peux me fier à eux. Ils

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