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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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d’immigration fitun sourire apitoyé et lui dit qu’il pouvait quand même les utiliser au Canada.
    Jan et Élisabeth marchèrent en suivant les autres immigrants jusqu’à la gare, où ils déposèrent leurs bagages dans le train. Un contrôleur s’assura qu’ils avaient tous leur laissez-passer et ils eurent la permission de sortir pour visiter la ville de Halifax, habituée à reconnaître les yeux incrédules et reconnaissants des nouveaux arrivants.
    – J’ai eu tellement peur, Jan. C’est que tu en mettais!
    – Il fallait que j’attire son attention sur les violons. On ne sait jamais, il aurait pu voir que ma casquette avait l’air bizarre.
    – C’est là qu’est la terre?
    – Oui.
    Jan la souleva et sortit le sac pour l’enfouir dans ses poches.
    – La terre, je suis certain que ce n’est pas légal. On nous l’aurait confisquée. Heureusement que tu y as pensé, Élisabeth.
    – Heureusement que tu es habile, Jan.
    Ils allèrent un peu dans la ville, virent des autobus à museau de chien pékinois, et revinrent vers le port et la mer.
    – Pour l’instant, c’est tout ce qui me rassure, constata Jan. Il va falloir que je réapprenne à vivre dans les villes.
    Élisabeth acquiesça et ils se promenèrent lentement sur les quais, Élisabeth collant aux talons de Jan comme une ombre. Ils descendirent sur un rocher et Jan s’approcha prudemment de l’eau qui léchait la roche patiemment, eau gourmande du goût de sel quiy collait davantage à chaque lampée. Il fixa l’horizon lointain, à peine couvert de quelques nuages gris-blanc qui annonçaient que l’automne était encore roi en attendant d’abdiquer devant l’hiver.
    – C’est bien que nous arrivions en automne, parce que bientôt nous allons voir la neige. Il paraît qu’il y en a plus qu’en Pologne.
    – Moi, j’aurais aimé arriver ici au printemps. Commencer par le recommencement. Il paraît que les saisons d’ici sont toutes violentes, impossibles à confondre l’une avec l’autre comme en Europe.
    Élisabeth lança quelques cailloux dans la mer qui les avala. Jan se pencha sur l’eau et en prit dans ses mains, disposées en écuelle. Il recommença son manège trois et quatre fois jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus.
    – J’ai cherché, cherché et cherché, Élisabeth, et dans l’eau je n’ai pas vu une seule goutte de sang. Pas une. L’iode de la mer a tout purifié.
    – Si seulement Marek avait pu voir tout ça avec nous…
    Jan l’invita à sécher son chagrin en offrant son visage à la brise du large.
    La locomotive noire crachotait son trop-plein de vapeur et de suie. Jan et Élisabeth s’installèrent enfin et furent renversés par le confort qui leur était offert: trois repas par jour servis dans le wagon-restaurant, un lit par personne sauf pour les jeunes enfants, et un
porter
pour les aider. Le train s’ébranla enfin. Jan s’était placé pour voir venir tous les paysages, tous les tableaux.
    Jan et Élisabeth eurent beaucoup de difficulté à croire que le Saint-Laurent n’était pas une mer, queles rivières n’étaient pas des fleuves et que le jour et la nuit qu’ils avaient vus de leur fenêtre ne s’étaient assoupis sur aucune frontière. Les arrêts ne se faisaient que pour dégourdir les jambes, remplir les soutes de charbon, huiler les amortisseurs, vérifier les freins et abreuver les contenants d’eau.
    Jan fut le premier à apercevoir le cap Diamant, la citadelle de Québec et le château Frontenac.
    – Élisabeth, Élisabeth, regarde! Nous venons d’arriver dans un conte de fées!
    – C’est peut-être là que Churchill et Roosevelt sont venus en 44.
    – Churchill? Ici?
    – Tu ne te souviens pas que papa nous en avait parlé? Bizarre de penser que Churchill a dormi là pendant que nous autres nous étions à Cracovie à espérer trouver de la nourriture. Qui sait? Jerzy s’est peut-être battu pour Churchill pendant que lui regardait ce fleuve le matin avant de prendre un bon petit déjeuner…
    – Ça suffit, Élisabeth. Je n’ai pas envie de traîner toutes ces images aujourd’hui. Je n’ai pas envie de faire baver le passé sur le présent.
    Élisabeth se tut, désolée de sa tirade, se leva pour défroisser sa robe maladivement irrécupérable, se rassit aux côtés de son frère cette fois et ajusta son regard parallèlement au sien. Tous les deux n’ouvrirent plus la bouche jusqu’à ce qu’ils aperçoivent le pont de Québec, véritable carcasse

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