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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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Youri de tenir le cigare. Il a craché un jet de fumée
    en direction des étoiles.
    — Je pense qu’Himmler va où il veut quand il veut, a-t-il
    répondu.
    — C’est qui, Himmler ? ai-je demandé.
    Enos a rigolé.
    — Rien que le numéro deux des Bottes Noires, a expliqué
    Kouba qui s’était assis sur un tas de briques.
    — C’est lui que tu peux remercier pour cette merveilleuse
    chambre, a précisé Enos. Et pour ton ventre qui gargouille. Et
    pour les cadavres dans les rues. Et pour le mur.
    — Salaud d’Himmler, a marmotté Kouba.
    — On est foutus, c’est clair, a grondé Enos.
    — Himmler venir ! a meuglé Gros Henryk.

    8 Heinrich Himmler (1900-1945) : d’abord chef de la Gestapo, la police secrète
    d’Hitler, puis ministre de l’intérieur du IIIe Reich, il a notamment organisé la
    politique d’extermination des juifs.
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    Le soleil s’est levé, et nous nous sommes endormis.
    Réveillés à midi, nous avons filé chacun de notre côté. J’ai
    cherché Himmler partout. Ne l’ai pas trouvé. J’étais drôlement
    déçu. J’avais vraiment envie de voir à quoi ressemblait le
    numéro deux des Bottes Noires. J’avais entendu parler d’un
    type, un certain Hitler, le chef de tous les Bottes Noires qu’on
    appelait aussi les nazis. Mais, d’après Enos, c’était Himmler le
    responsable du ghetto. Des juifs. De nous.
    D’ordinaire, j’apportais à manger aux Milgrom. Ce jour-là,
    ça a été des nouvelles.
    — Himmler arrive ! ai-je claironné.
    — Tiens, l’intrus puant ! s’est exclamé oncle Shepsel,
    toujours aussi aimable. Où est la nourriture ? a-t-il ajouté après
    avoir contemplé mes mains vides.
    — Un peu de gratitude ne te coûterait rien, a dit M. Milgrom
    qui était en train de percer un furoncle sur la jambe de sa
    femme.
    — Je hais Himmler, a lancé Janina.
    Assise par terre, elle jouait au mikado. Elle l’avait apporté
    de chez elle.
    — T’as pas envie de le voir ? ai-je demandé.
    — Si je le vois, a-t-elle rétorqué, je lui balance un bon coup
    de pied dans les tibias !
    Et elle m’en a fait la démonstration en shootant dans la
    table.
    — Qui raconte qu’il va venir ? s’est enquis oncle Shepsel.
    — Gros Henryk.
    — Qui est Gros Henryk ?
    — Il est très grand, ai-je expliqué. Avant, il avait pas de
    chaussures. Maintenant, il a celles de Jon. Il est mort, Jon.
    — Je ne veux pas en savoir plus ! a renoncé oncle Shepsel.
    Tu comptes aller chercher à manger ?
    — Pas maintenant.
    — Mais j’ai faim !
    — Shepsel ! a aboyé M. Milgrom.
    Craintivement, oncle Shepsel s’est retiré dans son coin
    habituel. M. Milgrom, ayant fini de soigner son épouse, a aidé
    celle-ci à s’asseoir, dos au mur. Elle avait maigri, était devenue
    103

    grise. Elle ne travaillait plus à l’usine d’uniformes. Elle a glissé
    sur le côté. Ses cheveux ressemblaient à une serpillière. Elle
    rappelait les poupées de son des orphelines du docteur Korczak.
    Elle a toussé, et la force de la quinte l’a renversée. M. Milgrom
    l’a redressée.
    Il s’est relevé. A traversé la pièce en traînant des pieds. S’est
    approché de moi. J’ai compris qu’il allait me parler. C’était
    comme s’il pensait qu’il devait être tout près de moi pour
    m’adresser la parole. Et il ne manquait jamais de me toucher.
    Tantôt, c’était sa main qui ébouriffait mes cheveux, tantôt ses
    doigts qui caressaient mon épaule. Il faisait ça avec Janina
    aussi. Et il nous souriait toujours lorsqu’il discutait avec nous.
    — Tu es un gentil garçon, m’a-t-il dit.
    J’étais sûr que d’autres compliments allaient suivre quand
    Janina l’a interrompu :
    — Et moi, a-t-elle lancé en s’appuyant contre la jambe de
    son père, je suis gentille ?
    — Vous êtes gentils tous les deux, a-t-il confirmé en posant
    sa paume sur la tête de Janina. Vous êtes les meilleurs des
    enfants.
    — Qui est le mieux ? a-t-elle insisté. Misha ou moi ?
    M. Milgrom a baissé les yeux sur nous. Son sourire a paru
    doubler, comme s’il désirait nous l’offrir à part égale. Il a
    prétendu longuement réfléchir.
    — Personne n’est le mieux, a-t-il fini par répondre. Match
    nul.
    — Papa ! a protesté Janina en tapant du pied. Pas de match
    nul qui tienne ! L’un de nous est forcément le meilleur !
    — Qui a inventé cette règle ?
    — Je bats Misha à la course à tous les coups ! (Faux ! C’était
    moi qui gagnais. Janina mentait comme

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