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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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une arracheuse de
    dents.) Et je suis la meilleure au mikado. (Vrai.) Et regarde !
    (Elle a fait le grand écart.) Et regarde ça aussi ! (Elle a essayé de
    se tenir sur la tête. Pendant quelques secondes, ses pieds sont
    restés suspendus en l’air, à quelques centimètres du sol. Ses
    chaussures étaient déchirées et sales, couvertes de la boue qui,
    au printemps, envahissait les rues. Elle est retombée. S’est
    redressée, toute fière.) Tu vois ? Je peux rester comme ça toute
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    une heure, si je veux.
    Elle était persuadée d’avoir accompli un exploit.
    — Très impressionnant, a acquiescé M. Milgrom.
    N’empêche, vous êtes à égalité.
    Janina a trépigné. Objecté à grands cris. Son père l’a
    menacée du doigt. Elle s’est tue. Est repartie de plus belle quand
    il a baissé le doigt. Il l’a relevé. Elle s’est arrêtée.
    — Mais papa, a-t-elle gémi, tu disais que j’étais
    merveilleuse. Tu ne te rappelles pas ?
    — Si. Je le pense toujours.
    — Et toc ! m’a lancé Janina en me tirant la langue. Je suis
    merveilleuse, moi.
    — Lui aussi, a précisé M. Milgrom.
    — Mais je suis plus merveilleuse, hein papa ?
    — Vous êtes tous les deux également merveilleux. Chacun à
    votre façon, vous êtes merveilleux.
    — En quoi je suis merveilleuse, papa ?
    En soupirant, il s’est assis sur l’unique chaise. Il était
    toujours fatigué. Son sourire s’était évanoui, et pourtant, c’était
    comme s’il flottait encore dans l’air.
    — Tu es merveilleuse, a-t-il déclaré en posant son doigt sur
    le bout du nez de Janina. Et ce garçon est merveilleux aussi.
    Janina m’a contemplé. Elle était la seule personne de mon
    entourage à devoir lever les yeux pour me regarder. Elle m’a
    étudié. Puis s’est de nouveau adressée son père.
    — Mais une fille merveilleuse, c’est mieux qu’un garçon
    merveilleux, hein papa ?
    M. Milgrom s’est tassé sur lui-même en dodelinant de la
    tête. Prenant Janina par les épaules, il l’a fait tourner sur elle-
    même et lui a assené une petite tape sur les fesses.
    — Va jouer au mikado avec Misha, lui a-t-il dit.
    Nous venions juste de nous asseoir en tailleur par terre, les
    baguettes entre nous, quand des voix ont résonné dans la cour.
    Curieux, je me suis approché de la fenêtre. Je me suis penché.
    — Himmler arrive !

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    J’ai dévalé les escaliers sous les hurlements de Janina qui
    voulait donner des coups de pied à Himmler. Son père et oncle
    Shepsel ont dû s’y mettre à deux pour la retenir.
    Je suis allé de personne en personne, demandant, encore et
    encore, où était Himmler. J’ai suivi des doigts tendus,
    empruntant une rue puis une autre, jusqu’à ce que j’aperçoive
    des voitures. Un défilé ! Des automobiles immenses,
    magnifiques, décapotées. Elles arboraient leur propre uniforme.
    Elles étaient grises et argent, sérieuses et fières, comme les
    hommes qui y étaient installés. Les carrioles des colporteurs
    s’écartaient brusquement devant elles. Mais les immeubles
    n’ont pas déversé leurs habitants, les trottoirs ne se sont pas
    couverts de badauds. Ça m’a surpris. Quelques passants se
    tenaient sur le bord de la chaussée, chapeau à la main,
    regardant droit devant eux. D’autres continuaient à marcher,
    yeux fixés sur l’horizon. Ainsi de l’homme que j’ai tiré par la
    manche.
    — C’est lequel, Himmler ?
    Le type a poursuivi son chemin comme si je n’existais pas.
    Seuls les Bouses contemplaient la parade. Au garde-à-vous, bras
    tendu dans le salut des Bottes Noires, l’air de vouloir attraper
    quelque chose que personne d’autre qu’eux ne voyait. Le vent a
    soulevé le coin d’un journal qui recouvrait un cadavre tout
    proche.
    J’ai commencé à paniquer. J’arrêtais les gens en
    demandant : « C’est lequel, Himmler ? » Aucun ne me
    répondait. J’ai trottiné le long des autos, admirant les hommes
    splendides. Sur leurs casquettes de Bottes Noires, les grands
    aigles d’argent ouvraient leurs ailes et paraissaient toiser le
    monde, le défiant de broncher. Leurs ailes ressemblaient à
    celles des anges, sauf qu’elles étaient entièrement déployées, et
    que les oiseaux volaient.
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    J’ai interpellé les passagers des voitures.
    — C’est toi, Herr Himmler ?
    Quelques-uns m’ont dévisagé. Aucun n’a répondu. J’ai
    couru de véhicule en véhicule.
    — C’est toi, Herr Himmler ?
    J’ai repéré un homme, le

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