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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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gourdin était aux mains
    de Youri. Gros Henryk restait planté là, hébété. C’est alors que
    Youri a assené un grand coup sur la caboche du Bouse. Comme
    ça – vlan ! – déclenchant le même bruit que ceux qui avaient
    résonné dans les colonnes de gens, la nuit de la revue.
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    Maintenant, c’était le Bouse qui se tenait la tête en
    chancelant sur le trottoir. Ça a dû réveiller Gros Henryk, parce
    qu’il a pris le gourdin à Youri et s’en est flanqué un petit coup
    sur le crâne. Ça a dû nous réveiller, nous autres, parce que nous
    avons tous surgi de la pénombre comme des diables et avons
    fait circuler le gourdin de mains en mains, nous assommant
    légèrement avec à tour de rôle, juste assez fort pour que ça soit
    rigolo et que ça nous expédie, vacillants, autour du Bouse qui
    titubait. Quand il a perdu l’équilibre et s’est écroulé sur le sol,
    nous avons cédé à d’autres instincts. Lui retirant ses chaussures,
    nous les avons balancées au milieu de la rue et, brusquement,
    tous les passants du trottoir d’en face ont retrouvé leurs yeux et
    se sont jetés sur les godasses. Après, c’est la veste du Bouse qui
    a valsé, puis son pantalon.
    — Prends-le par les pieds ! a ordonné Youri à Enos.
    Celui-ci s’est exécuté pendant que Youri l’attrapait par les
    bras. Moi, je riais trop pour penser que Youri avait, tout à coup,
    perdu sa chère invisibilité. Ils l’ont secoué comme une corde à
    sauter, comme les hommes de la charrette avait balancé le
    cadavre de Jon, et l’ont lâché. Le Bouse s’est envolé avant de
    s’écraser dans une gerbe de bouillasse. Faisant tournoyer le
    gourdin, Youri l’a expédié loin dans des ruines. En sous-
    vêtements, affalé dans la neige, le Bouse gémissait. Une fois
    encore, il n’y avait plus d’yeux de l’autre côté de la rue.

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22

PRINTEMPS

    — Tiens, voilà le grand manitou ! a dit Enos le lugubre.
    — Le nouveau juif ! a renchéri Kouba le clown.
    — Monsieur En Famille ! s’est écrié Ferdi, son cigare
    sautillant dans sa bouche tandis qu’il parlait.
    — Le plus petit des juifs ! a ajouté Enos. Ta présence nous
    honore.
    Se levant, il s’est incliné devant moi.
    Youri a souri.
    Je ne passais plus toutes mes nuits avec les garçons. Parfois,
    malgré les objections d’oncle Shepsel, je restais chez les
    Milgrom. Lorsque je retournais voir les gars, ils me taquinaient.
    Il fallait escalader des montagnes de décombres pour rejoindre
    le tapis natté. Nous dormions dessus, désormais. C’était le
    printemps.
    A partir du moment où M. Milgrom avait décrété que
    j’appartenais à la famille, mon identité tsigane s’était envolée.
    Finis les sept chariots, les sept frères, les cinq sœurs et Greta la
    jument tachetée. Au plus profond de moi, j’avais toujours su que
    mon histoire était une invention de Youri. Elle ne me manquait
    pas. Quand on ne possède rien, il est aisé de se détacher des
    choses. Je m’imaginais que mon nom de famille était Milgrom,
    à présent.
    — Pilsudski avait également disparu. J’avais gardé Misha.
    J’aimais bien.
    J’avais conservé autre chose aussi – la pierre jaune autour
    de mon cou. Celle que mon père m’avait donnée. Je devinais –
    quelque chose en moi avait toujours deviné – qu’elle était la
    seule vérité du passé échafaudé par Youri.
    Paresseusement allongés à plat dos sur le tapis, mains
    derrière la nuque, relax, nous profitions de la douceur de l’air en
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    regardant faiblir les étoiles. Bientôt ne restèrent que la lune et
    une étoile. Une trace bleu-vert apparaissait au-delà des ruines.
    Le jour se levait.
    Nous étions des oiseaux de nuit, désormais. Parce que nous
    étions des contrebandiers. Tous. Gros Henryk compris. Comme
    on sait, la contrebande est une activité nocturne.
    Ferdi passait à la ronde son cigare. Chacun notre tour, nous
    tirions une bouffée en toussant. Les étoiles perdaient leur
    netteté derrière la fumée.
    — Himmler8 venir !
    Ces mots ont été suivis d’un silence étonné, car ils avaient
    été prononcés par Gros Henryk qui, s’il beuglait souvent comme
    une vache, beuglait rarement de vrais mots.
    — Himmler ? a enfin relevé Enos. Le Himmler ?
    — Himmler venir, a répété Gros Henryk.
    — Mon œil ! a répliqué Enos.
    — Pourquoi viendrait-il ? a demandé Olek le manchot.
    Enos s’est adressé à Youri :
    — Qu’en penses-tu ?
    C’était à

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