Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
faits ci-dessus, circonstances et dépendances à la requête de notre procureur général, et, à, cet effet, de commettre tels d’entre vous que vous aviserez, pour procéder à l’audition des témoins qui seraient nommés par notre procureur général et faire tous autres actes tendant à constater lesdits faits et délits, lesquels nous avons autorisés à procéder aux dites instructions même en temps de vacation, pour lesdites informations et autres procédures rapportées devant la grand’chambre assemblée, après la rentrée de notre Parlement, y être par vous statué ainsi qu’il appartiendra. »
On comprend le bruit que devait faire un semblable procès. Toute la noblesse s’y regardait comme intéressée dans la personne d’un de ses membres les plus éminents, et le clergé, réclamant son droit de juger le cardinal, adressa des remontrances à la Cour. Ces remontrances, qui eussent soulevé une affaire majeure deux siècles auparavant, ne produisirent pas la moindre sensation. De son côté, la cour de Rome enjoignit à M. de Rohan de comparaître au tribunal des cardinaux pour rendre compte de sa conduite, lui déclarant que, s’il n’obéissait pas, il serait suspendu de son titre et de sa dignité jusqu’à ce qu’il se fût justifié. Cette démarche de la cour de Rome fut aussi vaine que l’avait été celle du clergé.
Les débats s’ouvrirent le 22 décembre au matin.
Madame de la Motte, parée avec une grande coquetterie, s’assit sur la sellette ; sa contenance était si assurée, dit un écrivain contemporain, qu’elle semblait être dans son appartement et couchée sur la meilleure bergère.
Elle répondit avec beaucoup de présence d’esprit et de fermeté à toutes les questions du président.
Le cardinal parut après elle et prit place sur le banc où s’asseyaient Messieurs des enquêtes lorsqu’ils venaient à la grand’chambre. Les membres du Parlement lui témoignèrent beaucoup d’égards. On pouvait pressentir à leur attitude envers le principal accusé, que, comme l’opinion publique et peut-être par esprit d’opposition envers la Cour, ils lui étaient complètement favorables.
Le 29 décembre, le procureur général de Fleury donna ses conclusions. Elles étaient sévères pour le cardinal. Il demandait des réparations flétrissantes auxquelles M. de Rohan n’eût probablement jamais voulu se soumettre et qui l’eussent laissé détenu pour le reste de ses jours. A la lecture de ces conclusions, M. de Barillon s’écria : « que ce n’étaient point celles d’un procureur général, mais bien celles d’un ministre qu’il n’était pas difficile de reconnaître, » voulant désigner M. de Breteuil ; et, de son côté, l’avocat général Séguier apostropha très violemment M. de Fleury.
L’arrêt fut prononcé le 31, à neuf heures et demie du soir. En voici le dispositif :
1° La pièce base du procès, les approuvés et signatures en marge de l’écrit en question, déclarés frauduleusement apposés sur icelui et faussement attribués à la reine.
2° La Motte, contumax, condamné aux galères à perpétuité.
3° Jeanne de Saint-Rémy-Valois, femme de la Motte, condamnée à faire amende honorable la corde au col, à être fouettée et marquée sur les deux épaules de la lettre V, à être enfermée à l’Hôpital à perpétuité.
4° Retaux de Villette, banni à perpétuité du royaume.
5° La demoiselle d’Oliva, hors de cour.
6° Le sieur de Cagliostro, déchargé de l’accusation.
7° Le cardinal, déchargé de toute espèce d’accusation ; les termes injurieux pour lui répandus dans le Mémoire de madame de la Motte supprimés ; permis à lui de faire imprimer l’arrêt.
Ce jugement fut accueilli avec une espèce d’enthousiasme. Après avoir commis la faute de ne pas étouffer à son essor une affaire dans laquelle un nom auguste allait se trouver mêlé aux noms d’intrigants et d’intrigantes du dernier ordre, la Cour avait eu la maladresse de laisser percer la passion dans ses ordonnances contre le cardinal de Rohan, et cette inimitié lui conciliait des sympathies dont il n’était digne à aucun titre. L’opinion publique voyait donc une première victoire dans cet arrêt, qui infirmait l’acte d’accusation formulé dans les lettres patentes, et elle applaudissait inconsidérément à la résistance des magistrats aux volontés royales si nettement formulées, par cela seul
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