Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
plaire à Votre Majesté m’a fasciné les yeux. Je payerai le collier… J’ai été la dupe d’une supercherie que je n’ai pas soupçonnée ; j’en suis au désespoir.
Alors il sortit de sa poche un portefeuille dans lequel était la lettre de la reine que lui avait remise madame de là Motte. Le roi jeta les yeux sur cet écrit.
— Ce n’est, dit-il, ni l’écriture de la reine, ni sa signature. Comment vous, un prince de la maison de Rohan et un grand aumônier de France, avez-vous pu croire que la reine signait Marie-Antoinette de France ? Personne n’ignore que les reines ne signent que leurs noms de baptême.
Le cardinal pâlissait de plus en plus, ses genoux se dérobaient sous lui ; il fut forcé de s’appuyer contre une table pour se soutenir.
Le roi, qui vit son trouble, l’engagea à se remettre et à passer dans la pièce à côté, où il pourrait écrire sa justification.
M. de Rohan obéit ; il y resta un quart d’heure, remit le papier à Sa Majesté, qui lui ordonna de se retirer, et trouva à la porte de la chambre du roi M. de Jouffroy, lieutenant aux gardes, qui l’arrêta et le remit aux mains de l’aide-major, M. d’Agoult, qui le conduisit à la Bastille.
Le lendemain de l’arrestation du cardinal, madame de la Motte fut arrêtée à Bar-sur-Aube, où elle s’était réfugiée. Dans son interrogatoire, elle nia hardiment s’être mêlée de l’acquisition du collier, et elle accusa le comte de Cagliostro d’être l’auteur de cette escroquerie, prétendant que c’était lui qui avait engagé M. le cardinal à réaliser cet achat, que les diamants avaient été dépecés par l’Italien et par sa femme, que, seuls, ils en avaient tiré profit.
A la suite de cette déclaration, M. et madame de Cagliostro furent arrêtés.
Madame de la Motte pouvait croire qu’elle parviendrait à échapper à la justice, en rendant le cardinal et Cagliostro responsables du vol que, seule, elle avait commis ; mais mademoiselle d’Oliva fut enlevée à Bruxelles, où elle s’était réfugiée, et ses révélations commencèrent de jeter quelque lumière sur cette intrigue.
Quelque temps après, Retaux de Villette se laissa prendre à Genève ; il fut confronté avec madame de la Motte, qui dut comprendre qu’elle ne pouvait plus échapper au châtiment.
Dans la nuit du 29 au 30 août, tous les inculpés de l’affaire du collier furent transférés de la Bastille à la Conciergerie, et, le 5 septembre suivant, des lettres patentes du roi déférèrent le procès au Parlement.
Ces lettres respiraient le plus profond mécontentement ; elles constituaient pour le’ cardinal une accusation terrible.
Les voici :
« Louis XVI, etc., ayant été informé que les nommés Bœhmer et Bossange auraient vendu au cardinal de Rohan un collier en brillants ; que ledit cardinal, à l’insu de la reine, notre très chère épouse et compagne, leur ayant dit être autorisé par elle à en faire l’acquisition, moyennant le prix de un million six cent mille livres payables en différents temps, il leur aurait fait voir, à cet effet, de prétendues propositions qu’il leur aurait exhibées comme approuvées et signées de la reine ; que ledit collier ayant été livré par lesdits Bœhmer et Bossange audit cardinal et le premier payement convenu entre eux n’ayant pas été effectué, ils auraient eu recours à la reine. Nous n’avons pas pu voir, sans une juste indignation, que l’on ait osé emprunter un nom auguste qui nous est cher à tant de titres, et violer, avec une témérité aussi inouïe, le respect dû à la Majesté royale.
« Nous avons pensé qu’il était de notre justice de mander devant Nous ledit cardinal, et, sur la déclaration qu’il nous a faite qu’il avait été trompé par une femme nommée la Motte de Valois, nous avons jugé qu’il était indispensable. de nous assurer de sa personne et de ladite la Motte de Valois, et de prendre les mesures que notre sagesse nous a suggérées pour découvrir tous ceux qui auraient pu être auteurs ou complices d’un attentat de cette nature et nous avons jugé à propos de vous en attribuer la connaissance, pour être, par vous, le procès instruit et jugé, la grand’chambre assemblée.
« A ces causes, etc. ; attendu que la matière requiert célérité, pour ne pas laisser perdre les preuves qui pourraient dépérir par le retardement, Nous vous mandons et ordonnons d’informer desdits
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