Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
pour l’exécuteur, il plaidait pour le bras droit de sa politique future ? Qui peut lire au fond de l’âme de ces ambitieux avides de domination ? Mais il nous a paru curieux, au point de vue de l’histoire, d’exhumer la part prise par Robespierre à cette discussion.
N’est-il pas à remarquer aussi qu’aucun des deux défenseurs de l’exécuteur n’ose le défendre sans accuser la loi. Il faut changer ces formes , dit M. de Clermont-Tonnerre ; Il faut changer cette loi , dit Robespierre. C’est qu’en effet, la loi et la fonction sont solidaires et qu’il est impossible de flétrir l’une sans flétrir l’autre. Si la voix des deux préopinants eût été écoutée ce jour-là, et que cette Assemblée constituante, qui a laissé de si immortels travaux, y eût compris un décret abolissant la peine de mort ; que de sang épargné à la Révolution, et qui peut dire à quel degré de perfection les institutions politiques de la France seraient aujourd’hui élevées ?
Elle eut pourtant son heure à la tribune de l’Assemblée constituante cette grande question de l’abolition de la peine de mort. Elle inspira à Adrien Duport un de ces discours que le temps n’emporte point et qui demeurent comme une éternelle protestation de la raison et de la vérité contre l’obscurantisme et la barbarie des jurisprudences criminelles. Par un de ces bizarres contrastes qui montrent bien toute l’inconséquence de l’esprit humain, l’abolition fut aussi vivement soutenue par Marat et encore Robespierre, les deux hommes qui, à si peu de temps de là, devaient abuser le plus de cette peine terrible ; l’un en prétendant y voir le salut de la patrie, et l’autre en l’érigeant en système de gouvernement. L’Assemblée, lasse d’une longue législature, effrayée peut-être de tout ce qu’elle avait déjà détruit, s’arrêta devant ce dernier et sanglant privilège ; elle ne voulut pas dépouiller la société de sa prérogative homicide. Combien, parmi les votants, jetèrent ce jour-là leur tête dans l’urne sans le savoir ?
Cette digression m’a écarté de Charles-Henry Sanson et de son désir d’obtenir l’interprétation du décret de l’Assemblée du 24 décembre, en ce qui concernait les exécuteurs. Ce fut par l’organe de l’estimable avocat qui lui avait prêté l’appui de sa parole dans le procès avec la presse, M e Maton de la Varenne, qu’il fit présenter à l’Assemblée nationale, tant en son nom qu’en celui de son oncle Louis-Cyr-Charlemagne Sanson, exécuteur de la prévôté de l’Hôtel du Roi et de tous leurs confrères du royaume dont il avait aussi les pouvoirs, un Mémoire que malgré son étendue je drois devoir reproduire, car il est aujourd’hui complètement oublié, et si je n’en partage pas toutes les idées, il montre du moins comment autrefois et aujourd’hui encore peut-être, quelques-uns des exécuteurs des arrêts criminels ont envisagé leur profession.
Voici donc ce Mémoire adressé, comme je viens de le dire, aux membres de l’Assemblée nationale :
Ce n’est point un Mémoire judiciaire que l’on va lire : ce sont les justes plaintes d’une portion d’hommes qu’un préjugé aveugle marque au sceau de l’infamie, et qui ne vivent que pour souffrir les humiliations, la honte et l’opprobre, dont le crime seul doit être couvert ; ce sont les doléances d’hommes malheureusement nécessaires, qui viennent pleurer aux yeux des pères de la patrie sur l’injustice de leurs concitoyens, et réclamer les droits imprescriptibles qu’ils tiennent de la nature et de la loi ; ce sont enfin leurs respectueuses remontrances à l’auguste Assemblée des représentants de la nation, à qui ils demandent une interprétation nécessaire de leur décret du 24 décembre dernier.
Il ne s’agit pas, comme le prétend un périodiste obscur ( Allusion à un des journalistes incriminés dans le procès qui a fait l’objet de l’avant-dernier chapitre ), dont l’habitude est de calomnier les membres de l’Assemblée nationale, ses décrets et le public, de savoir si les exécuteurs des jugements criminels siégeront à côté des maires, ou rempliront les places de commandants-généraux des gardes nationales dans les différentes villes du royaume : l’ironie déshonore celui qui l’emploie, lorsqu’il doit discuter l’état d’un citoyen, et combattre le préjugé qui le flétrit injustement ; mais il
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