Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
s’agit de savoir, si ces exécuteurs sont éligibles aux places des communes, s’ils ont voix consultative ou délibérative dans les assemblées ; enfin s’ils ont un état civil. L’affirmative de cette question ne peut faire la matière d’un doute que dans les esprits faibles dont le jugement est asservi à l’empire tyranique des préjugés.
Les exécuteurs exercent leur état à titre d’office ; ils le tiennent directement du roi ; leurs provisions sont scellées du grand sceau : elles ne s’obtiennent, comme celles des officiers, que sur un bon et louable rapport de la personne des impétrants.
Quelques personnes dans l’esprit desquelles un bruit dénué de fondement se convertit en certitude, quelque ridicule qu’il soit, parce qu’elles veulent s’éviter la peine de réfléchir sur son invraisemblance, croient puérilement que les provisions des exécuteurs sont jetées à leurs pieds (1), qu’on les délivre gratuitement et qu’ils prêtent serment à genoux ; de là elles concluent que leur état est infâme, et que semblables aux criminels qui ont été condamnés à des peines affictives,.ils sont inhabiles à tous emplois civils et militaires.
On demeurera convaincu que cette opinion flétrissante pour les exécuteurs a pour base une erreur populaire (2),
quand on saura que les provisions leur sont remises manuellement, que le prix en est considérable (celles de l’exécuteur de la ville et vicomté de Paris lui coûtent six mille quarante-huit livres), qu’ils prêtent comme tous les autres pourvus d’offices, leur serment, debout, au tribunal du lieu de leur résidence, audience tenante, et sont reçus sur les conclusions du ministère public, après une information de vie et de mœurs, accompagnée d’une certificat de catholicité.
(1) On les jette sous la table, dit l’auteur des Révolutions de France et du Brabant (Camille Desmoulins), n°9, pour marquer l’infamie du métier.
(2) Quelques personnes croient aussi que les sommes dues aux exécuteurs sont jetées à leurs pieds par celui qui les leur paye, et qu’ils font afficher leurs filles lorsqu’ils veulent les marier ; ce sont encore des erreurs populaires. Dans le premier cas, nous répondons affirmativement que l’assertion est fausse et nous défions toutes personnes de nous démentir à cet égard ; dans le second cas, nous assurons que les exécuteurs vont toucher au domaine les quartiers échus d e leurs gages (on appelle ainsi les sommes attribuées aux offices, même à ceux de la haute magistrature), ainsi que le montant des frais de chaque exécution ; et ils y reçoivent les civilités qu’ils doivent attendre d’hommes instruits qui savent s’élever au-dessus des préjugés. [Notes du Mémoire.)
On ne voit certainement rien qui diffère des autres offices dans les provisions des exécuteurs et dans les formalités qui précèdent leur réception ; on n’y trouve rien qui les déshonore, et qui prouve de leur part un défaut de délicatesse. Le préjugé dont ils sont si souvent victimes ne s’est établi que par succession de temps, et ils ne se sont trouvés frappés du mépris qui les poursuit injustement que lorsqu’ils n’étaient plus les maîtres de s’y soustraire pour embrasser d’autres états.
Chez les Israélites, la partie qui avait gagné son procès, exécutait elle-même le jugement rendu en sa faveur. S’agissait-il de mettre à mort un assassin ? La famille de celui qu’il avait tué, des jeunes gens commis par le prince, le peuple même, se disputaient l’honneur de remplir cette commission, parce qu’on regardait comme bienfaiteur de la société celui qui la purgeait de ses fléaux. A cette coutume, qu’on ne peut appeler barbare sans calomnier le peuple humain et juste chez qui elle existait, en a succédé une autre qui prouve que les anciens ne voyaient rien d’avilissant de mettre à mort un criminel. Les juges eux-mêmes exécutaient leurs jugements.
Voulons-nous connaître l’opinion des Grecs sur l’office d’exécuteur criminel ? Lisons Aristote, et nous verrons que. la nécessité de punir le coupable, le lui fait considérer comme un magistrat, et lui assigner un rang honorable dans la société.
L’usage de laisser exécuter par les accusateurs les sentences qui prononçaient des peines afflictives contre les accusés, existait aussi chez les Romains. Si cet usage fut abrogé dans les beaux jours de la
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