Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
république romaine, c’est parce que l’on remarqua que la partie exécutrice poussait quelquefois son ressentiment jusqu’à châtier le coupable avec passion et inhumanité. Alors on choisit pour les exécutions des officiers publics nommés licteurs.
Avant qu’on eût créé des offices d’exécuteurs en Allemagne, le plus jeune magistrat du siège en remplissait les fonctions. Dans quelques villes de l’Empire, où cet usage n’était point adopté, elles étaient dévolues au dernier domicilié ou au dernier marié du lieu.
Ces coutumes nous sont transmises par Adrien Beyer de Francfort, qui nous apprend qu’en Allemagne, l’office d’exécuteur de la justice criminelle est compté parmi les principaux, que la finance en est considérable, qu’enfin celui qui en est pourvu parvient à la noblesse, comme les magistrats de plusieurs tribunaux français.
En France même cet état n’a pas toujours été regardé comme flétrissant pour celui qui l’exerce. Denisart, en son Répertoire de jurisprudence, v° exécuteur , fait mention d’un compte fourni par le Domaine en 1417, où se trouvent compris quarante-cinq sous parisis payés à Etienne Lebré, qualifié maître de la haute justice du roi notre sire , pour avoir, entr’autres choses, ôté plusieurs chaînes étant aux poutres de la justice de Paris, et les avoir apportées en son hôtel.
En Angleterre, où les parents des condamnés, assistent à leur exécution, les exécuteurs des jugements criminels sont considérés comme des citoyens notables ; il ne résulte de leur profession aucune incapacité aux autres professions, et chacun se fait un plaisir de les recevoir, parce qu’ils ne sont redoutés que du coupable ou de ceux dont l’âme, naturellement portée au vice et à l’oisiveté qui en est la mère, se révolte à l’idée seule des supplices, dont la crainte les contient.
Qu’on ne conclue pas cependant de ce que viennent de dire les exécuteurs, qu’ils veulent aller de niveau avec les magistrats et obtenir de leurs concitoyens une considération particulière. Cette prétention n’est point la leur. Mais il est un juste milieu entre la profession qui élève et un état qui avilit.
Que deviendrait la société, de quelle utilité seraient les juges, à quoi servirait l’autorité nationale, si une force active et légitime n’exécutait les jugements rendus pour venger les outrages faits à la loi en la personne des citoyens qu’elle protège ? Si la punition du coupable est déshonorante pour celui qui la lui fait subir, les magistrats qui ont instruit le procès de l’accusé et prononcé la peine due à son crime, le greffier qui a rédigé leur jugement, le rapporteur et le lieutenant criminel qui le font exécuter sous leurs yeux, doivent participer au déshonneur. Mais ces officiers ne sont pas avilis par leurs offices ; au contraire, ils tiennent à honneur d’en être revêtus. Pourquoi donc que celui qui met la dernière main au supplice, qui déteste le crime qu’il punit, serait-il avili par un office utile dont les fonctions sont, en quelque sorte, le complément de celles du magistrat et ont le même but ?
Un scélérat a osé incendier la propriété d’un citoyen, rougir ses mains du sang de son voisin ou de son père, conspirer contre la patrie ; la voix publique vous instruit de ses crimes, vous demandez sa mort à grands cris, vous y assistez enfouie, et vous ne voulez point reconnaître pour citoyen, et vous voulez regarder comme infâme celui qui fait subir au monstre le châtiment que vous avez provoqué vous-mêmes !… Français, soyez donc justes et conséquents avec vous-mêmes ; convenez donc que le crime reste impuni, ou qu’il faut un exécuteur pour le punir ; convenez donc que ce n’est ni le magistrat, ni l’exécuteur, mais le coupable seul qui a violé les lois de la nature ; que sans cette sainte conjuration contre le crime la société serait journellement blessée dans tous ses membres ; convenez donc enfin qu’il y a eu de l’injustice à faire rejaillir la honte attachée au crime sur l’officier qui la punit, dans un temps surtout où l’on vient de détruire le préjugé qui notait d’infamie même les parents du scélérat dont le sang coule dans leurs veines ( Décret de l’Assemblée nationale du 21 janvier 1790. cité dans le chapitre précédent à l’occasion des frères Agasse. ).
Par quelle bizarrerie, au surplus,
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