Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
veut-on noter d’infamie celui qui exécute les jugements criminels rendus par les tribunaux, tandis que dans un régiment, des soldats qui en font périr quantité d’autres sous les courroies ou les baguettes, parviennent aux grades et à la croix de Saint-Louis ? L’action n’est-elle pas la même de part et d’autre ? Des deux côtés n’est-ce pas un coupable que l’on punit ? Etrange contradiction de contester l’état civil d’un homme qui exécute des jugements criminels émanés des tribunaux, et de reconnaître pour citoyens ceux qui exécutent des jugements de mort rendus par le conseil de guerre contre des militaires !
Non seulement c’est contre l’esprit de la loi et contre la raison que l’on regarde les exécuteurs comme légitimement voués à l’exécration publique ; mais encore on ne peut leur contester la qualité de citoyen sans porter atteinte aux droits les plus incontestables de l’homme social.
En effet, ces officiers paient, comme les autres sujets du roi, les vingtièmes, la capitation, les charges de ville et de police, la taxe des pauvres ; ils rendent le pain bénit sur leurs paroisses, ils sont enregistrés dans la garde nationale de leur district (1).
(1) MILICE BOURGEOISE PARISIENNE. — District des Filles-Dieu.
Le porteur d’une épée, un fusil et des pistolets, M. Sanson , est citoyen du quartier, enregistré. Les patrouilles sont priées de le laisser passer librement, armé ou non armé. Signé LEVASSEUR, capitaine-trésorier ; CELLERIER, secrétaire du Comité. Au bas est le cachet du district. ( Note du Mémoire. )
Pourquoi donc les empêcherait-on de participer aux autres avantages dont jouissent les autres citoyens, lorsqu’ils sup portent comme eux les charges publiques ? Funeste empire du préjugé, dans une nation juste, humaine et généreuse !
Il résulte de tous les détails qui viennent d’être mis sous les yeux de l’Assemblée nationale et du public, qu’on élève encore mal à propos des doutes sur l’état civil des exécuteurs ; qu’ils ont le droit d’assister aux assemblées des citoyens, et qu’ils sont éligibles aux places qu’on les jugerait dignes et capables de remplir. Il s’agit maintenant d’examiner si le décret du 24 décembre 1789 a consacré ces principes et prononcé bien clairement qu’ils sont des citoyens. Voici la teneur du décret :
« L’Assemblée nationale décrète : 1° que les non-catholiques qui auront d’ailleurs rempli les conditions prescrites par ses précédents décrets, pour être électeurs et éligibles, pourront être élus dans tous les degrés d’administration, sans exception ;
« 2° Que les non-catholiques sont capables de tous les emplois civils et militaires, comme les autres citoyens, sans entendre rien préjuger relativement aux juifs, sur lesquels l’Assemblée se réserve de prononcer (1) ;
(1) Le sort des juifs a été irrévocablement fixé par le décret suivant, rendu le 28 janvier 1790, c’est-à-dire depuis celui dont les exécuteurs demandent l’interprétation :
« L’Assemblée nationale a décrété et décrète, que les juifs, connus en France sous le nom de juifs portugais, espagnols et avignonnais, continueront de jouir des droits dont ils ont joui jusqu’à présent et qui sont consacrés, en leur faveur, par des lettres patentes ; et, en conséquence, ils jouiront des droits de citoyens actifs, lorsqu’ils réuniront, d’ailleurs, les conditions requises par les décrets de l’Assemblée. (Note du Mémoire).
« Décrète au surplus qu’il ne pourra être opposé à l’éligibilité d’aucun citoyen d’autres motifs d’exclusion que » ceux qui résultent des décrets constitutionnels. »
La première réflexion qui naît de ce décret dans l’esprit des gens à préjugés, qui sont habitués à regarder comme infâmes les exécuteurs criminels, est qu’il ne statue rien sur le sort de ces officiers, que la solution de la question élevée sur la légitimité de leur état s’y trouve éludée ; qu’ils demeurent toujours sous l’empire de l’opinion qui les flétrit ; que l’action d’exécuter les jugements criminels leur est imputée à blâme ; qu’enfin, en décidant qu’il ne pourra être opposé à l’éligibilité d’aucun citoyen d’autres motifs d’exclusion que ceux résultant des décrets constitutionnels , ce décret ne prononce pas qu’on doit les
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