Métronome
Gesvres). Sur la rive gauche, de pareils travaux furent entrepris, en particulier par la mise en place du quai de Conti.
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Louis XIV initiait et suivait ces transformations par devoir de souverain, mais sans grand enthousiasme. Au fond, il n’a pas aimé Paris. En tout cas, il n’a jamais accordé sa confiance aux Parisiens. Et ce n’est pas pour rien qu’il s’est finalement éloigné de la capitale pour s’établir à Versailles avec son gouvernement et toute sa cour. Il se souvenait trop combien il avait été humilié à Paris durant son enfance… La Fronde alors faisait vaciller le trône et nul ne pouvait croire que ce petit garçon de onze ans régnerait un jour. Sa mère, Anne d’Autriche, régente du royaume, décida alors de fuir ce Paris qui la menaçait…
Dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649, Paris célébrait l’Épiphanie. Si les rues étaient vides en ce froid hiver, les fenêtres étaient illuminées, partout on festoyait joyeusement. Au Palais-Royal, le banquet se prolongea fort tard dans la soirée. La reine mangea sa part de galette et trouva la fève, alors on l’affubla d’une couronne de carton et tout le monde s’en amusa.
Peu après minuit, la souveraine se retira dans son cabinet, comme à l’ordinaire, fit sa toilette et officiellement se coucha… Mais aussitôt, elle se releva pour réveiller ses deux garçons. Bientôt Anne d’Autriche, accompagnée de Louis et de Philippe, emprunta un escalier dérobé, franchit une porte discrète et arriva dans les jardins du palais. À cet endroit attendaient les équipages : trois carrosses chargés de conduire loin de Paris le jeune souverain, son frère et sa mère.
La nouvelle de ce départ précipité ne tarda pas à se répandre au sein de la cour et sema l’affolement, car chacun reçut l’ordre de suivre la reine dans sa fuite. Cette même nuit, quelques heures plus tard, de longs cortèges de voitures armoriées emportèrent à travers la campagne des hommes vêtus à la hâte, des femmes défaites et des enfants ensommeillés.
Au terme d’un éreintant parcours, la lourde forme du château de Saint-Germain-en-Laye surgit dans le paysage perlé de givre, sombre navire aux tours crénelées émergeant d’une mer figée de froidure. À l’intérieur, rien n’était prêt pour les hôtes royaux : selon l’usage, les meubles avaient été enlevés pour l’hiver. Les salles étaient nues, glacées. Seuls le roi, son frère, la reine et le cardinal Mazarin trouvèrent de modestes lits de camp, tous les autres en furent réduits à s’étendre sur de rudimentaires paillasses posées à même le sol.
Dans les couloirs encombrés d’une foule désemparée et de méchante humeur, on pouvait croiser une partie de la noblesse du royaume. Les courtisans, nippés de hardes défraîchies, échevelés, inquiets, pleuraient le confort perdu de leur logis parisien et échangeaient en confidence les dernières nouvelles de la capitale. Là-bas, disait-on, la nouvelle de la fuite royale avait provoqué la stupéfaction. Malgré son jeune âge, Sa Majesté était considérée comme le père de ses sujets, le protecteur de la nation, le souverain de droit divin dont la seule présence en sa bonne ville rassurait et réconfortait. Lui absent, la peur s’installait, peur de l’inconnu, peur des calamités à venir. De son côté, le Parlement débattit interminablement sur l’attitude à observer. Finalement, il se décida à envoyer une députation à Saint-Germain pour implorer la régente de ramener le roi à Paris. Mais quand ces Messieurs se présentèrent au château, la reine refusa sèchement de les recevoir, sans même tenter de sauver les apparences et d’épargner les susceptibilités.
Pendant ce temps, l’Hôtel de Ville était devenu un centre mondain où bourgeois insurgés et nobles frondeurs venaient parader ! Fêtes et farandoles animaient les salons et les violons faisaient danser une société plus avide de plaisirs que de combats. Mais il fallut aussi que les Parisiens puissent marquer leur hargne. Ils tournèrent un canon vers les murs de pierre de la prison de la Bastille et tirèrent six obus, qui ne firent pas grand mal aux lourdes murailles. Cet « exploit » accompli, ils investirent sans peine la forteresse. Afin de célébrer cette victoire fondamentale, belles dames et grands messieurs vinrent en foule vider consciencieusement les bouteilles accumulées dans les caves de la prison.
La
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