Métronome
règne »… Et, en fait de grandeur, on peut faire confiance au Roi-Soleil : il en connaissait un rayon ! Il comprit que le culte rendu à sa personne était un culte rendu à la France, et fut lui-même le plus fastueux commanditaire de monuments construits à sa propre gloire.
En 1669, Jean-Baptiste Colbert, surintendant des bâtiments royaux, jetait sur le papier quelques idées en vrac pour Paris : « Plans partout à continuer – Arc de triomphe, pour les conquêtes de terre – Observatoire pour les cieux – Grandeur et magnificence ».
C’est pourtant la municipalité de Paris qui a financé les deux arcs de triomphe dédiés au roi, élevés à l’emplacement de deux portes supprimées dans un programme général d’embellissement de la ville et d’allégement d’un appareil guerrier devenu inutile. L’arc de la porte Saint-Denis fut érigé en l’honneur des victoires en Flandre ; celui de la porte Saint-Martin, plus modeste, a été dressé en souvenir de la conquête de la Franche-Comté.
Il serait injuste pourtant de ne voir dans les travaux de l’époque – initiés par la municipalité ou par le roi – que des monuments élevés pour chanter la grandeur du trône. Un véritable effort a aussi été accompli pour rendre la ville plus sûre et plus agréable à vivre…
Dans le Paris du XVII e siècle, les plus beaux hôtels particuliers, raffinements de l’art et de l’architecture, côtoyaient les sordides bicoques, les ruelles crasseuses, les bouges où s’exhalaient la misère, le crime et la maladie. Là s’enchevêtraient dans une architecture hasardeuse et compliquée des masures de bois hérissées de cheminées brinquebalantes. Dans ces quartiers où régnaient la gueuserie et la laideur, des groupes de détrousseurs s’affrontaient et se disputaient le bourgeois égaré. La bande des Rougets aux manteaux rouges, la bande des Grisons vêtus de gris, la bande des Plumets aux larges feutres à aigrette répandaient la terreur parmi le petit peuple et imposaient leur loi.
Paris fourmillait et s’agitait entre les tonneaux des porteurs d’eau, les mannes d’osier des marchands de volailles, les lourds tombereaux chargés de grains qui obstruaient les ruelles. Pour circuler, il fallait se frayer un chemin entre les fiacres et les carrosses, les charretons surchargés, les cortèges de bœufs traînés vers l’abattoir, et le pauvre piéton risquait à tout instant de se faire renverser. Un artiste nommé Guérard dessina en une gravure les embarras des rues de Paris et traduisit en quelques vers les appréhensions du promeneur :
Pour marcher dans Paris, ayez les yeux alertes.
Tenez de tous côtés vos oreilles ouvertes
Pour n’être pas heurté, culbuté ou blessé,
Car si vous n’écoutez parmi le tintamarre :
Gare ! Gare ! Là-bas gare ! Rangez-vous, gare !
Tout du haut ou du bas, vous serez écrasé.
Sur les bords du fleuve, se poursuivirent et se développèrent alors des travaux de longue haleine pour une œuvre qui nous semble appartenir au paysage parisien de toute éternité : les quais de la Seine. Les siècles passés avaient apporté des améliorations dans leur aménagement, Henri IV et Louis XIII avaient, en leur temps, dompté les rives, notamment le long du Louvre et sur la place de Grève, grâce à des terre-pleins en pierre de taille susceptibles de permettre une promenade sans trop se crotter et surtout capables de maintenir les eaux en cas de crue.
Sur la rive droite s’étirait, entre le quai de la Grève et celui de la Mégisserie, une longue bande de terrain meuble qui devenait un champ boueux à la moindre pluie : les charrettes qui descendaient jusqu’au fleuve s’y enlisaient régulièrement. Pour en terminer avec cette fange répugnante, le roi demanda en 1664 au marquis de Gesvres d’aménager un quai entre le pont Notre-Dame et le Pont-au-Change – il porte aujourd’hui le nom de son édificateur et le quai de métro de la ligne 7, à la station Châtelet, fut bâti à partir des arcades qui le soutenaient. Regardez ce quai en direction de Mairie d’Ivry-Villejuif, les voûtes y sont plus basses : ce sont les fondations du XVII e siècle.
Onze ans après sa construction, l’ouvrage fut complété par un autre quai, entre le pont Notre-Dame et la place de l’Hôtel-de-Ville, auquel on donna le nom de Le Pelletier, alors prévôt des marchands (les deux quais seront réunis en 1868 sous le seul nom de
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