Métronome
bouderie de la régente contre la capitale dura sept mois, puis elle retrouva le Palais-Royal.
Deux ans plus tard, nouvelle humiliation à Paris. Dans la nuit du 9 au 10 février 1651, les princes frondeurs, épouvantés à l’idée de voir Anne d'Autriche et son fils le roi quitter à nouveau la capitale, firent fermer les portes de la ville et mobilisèrent la milice bourgeoise. Cette nuit-là, personne n’entra ni ne sortit de la cité, mais un doute surgit tout de même : la reine et le roi étaient-il encore dans les murs ? N’avaient-ils pas déjà décampé ? Afin de rassurer tout le monde, Gaston d’Orléans, l’oncle du petit Louis, envoya le capitaine des gardes suisses au Palais-Royal avec mission de se faire montrer la personne du roi…
C’est vrai, la souveraine était bien décidée à quitter Paris, elle craignait le retour de la Fronde, la révolte populaire, l’emportement des foules. Malheureusement pour elle, la survenue du garde suisse l’empêcha de sortir du palais. L’enfant-roi, qui était déjà tout habillé et botté, dut se coucher à la hâte et feindre le plus profond sommeil, les couvertures rabattues jusqu’au menton pour dissimuler son accoutrement… On ouvrit les rideaux du lit, comme pour une représentation théâtrale, et le Suisse, conscient de l’important devoir qu’il avait à accomplir, glissa un œil dans la chambre royale. À son profond contentement, il aperçut le jeune monarque… Mais ce n’était pas suffisant : devant le palais, la multitude battait le pavé et prétendait, elle aussi, voir de ses yeux le jeune Louis XIV. Il fallut en passer par là… Silencieusement, une foule mêlée d’ouvriers, de portefaix, de lavandières aux visages inquiétants passa devant le lit royal, observant l’enfant prétendument endormi. Quelques bonnes dames se signèrent devant ce garçon aux boucles blondes et murmurèrent des prières à son intention, avant de retourner à la rue, satisfaites et rassurées.
De tels affronts ne s’oublient pas. On comprend finalement un peu mieux pourquoi Louis XIV voulut faire de Paris une ville ouverte, pour l’embellir certes, mais surtout pour l’affaiblir. Les cours et boulevards remplacèrent les enceintes, la ville était offerte…
Boulevard, un mot typiquement parisien ?
En 1670, Louis XIV ordonna la destruction du rempart de Charles V, rendu doublement inutile, d’une part en raison de l’évolution des techniques militaires, d’autre part à cause de l’urbanisation des quartiers hors les murs.
Sur la rive droite, le rempart fut remplacé par un boulevard allant de la Bastille à la Madeleine, où les gens pouvaient se promener.
Le mot français boulevard apparaît à cette époque, pour désigner cette nouveauté. Il est donc typiquement parisien !
En fait, il a une double origine. Il vient tout d’abord du terme hollandais bolewerk , qui signifie « ouvrage de fortification » (de bol , la poutre, et voerk , l’ouvrage). Ce terme désignait donc le rempart. Plus tard, quand la muraille a été abattue, elle a fait place à un cours ou un mail garnis d’arbres… Les Parisiens les appelaient « boules vertes », boulevert, puis boulevard. Et le boulevard devint un lieu de délassement, de flânerie, de rêve…
Louis XIV réserva à Versailles ses toquades architecturales et ses enthousiasmes artistiques. Il fit pourtant une exception de taille pour venir au secours de la foultitude de soldats blessés ou mutilés au service de sa grandeur militaire… Louis XIV n’ignorait pas à qui il devait ses victoires : à la piétaille mobilisée pour ses coûteuses campagnes. Alors, il les soigna, ces petits, ces obscurs, et sa reconnaissance devait se lire dans la pierre… Il y est parvenu. Encore aujourd’hui, on aperçoit de loin ce dôme illuminé d’or dressé à cent cinq mètres au-dessus d’une vaste esplanade déserte, champ de bataille engourdi rendu à la sérénité de la paix recouvrée : les Invalides.
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Quand Louis XIV, confortablement calé dans son carrosse, traverse Paris, quand il franchit le Pont-Neuf encombré de poètes, de vagabonds, de vendeurs de gazettes et de montreurs d’ours, son cœur se serre à la vue des unijambistes, manchots, culs-de-jatte, borgnes ou aveugles, ces estropiés qui ont laissé leurs forces sur le champ d’honneur, et qui traînent une existence de misère et de honte dans la mendicité.
Sur le plan humain, le roi est un peu
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