Métronome
laquelle ont participé catholiques et protestants dans un esprit de réconciliation.
Au moment où l’amiral est trucidé, le lugubre tocsin de Saint-Germain-l’Auxerrois se met à sonner. C’est le signal du massacre généralisé. Au Louvre, les gentilshommes protestants, pourtant hôtes du roi, sont réveillés, désarmés et conduits dans la cour. Là, avec application, la garde suisse, aidée par la garde française, les occit l’un après l’autre à coups de hallebardes. Certains tentent de s’échapper, courent dans les galeries, mais ils sont rattrapés et le sang coule dans les salles du palais. Pendant ce temps, la troupe qui a pris d’assaut l’hôtel de la rue Béthisy, son œuvre de mort accomplie, se dirige vers le faubourg Saint-Germain-des-Prés où d’autres protestants sont à éliminer. Elle doit traverser l’île de la Cité pour atteindre la rive gauche et franchir la porte de Buci, mais celle-ci est fermée par ordonnance royale. On va chercher la clé, on ouvre, on passe enfin… Mais le soleil déjà est bien levé et les chefs protestants, alertés par un maquignon qui a traversé le fleuve à la nage, se sont rassemblés au bord de la Seine, sur un terrain en friche appelé le Pré-aux-Clercs. Ils voient les soldats qui fondent sur eux, comprennent que le combat est vain et s’empressent de prendre la fuite à pied ou à cheval. Une course-poursuite s’engage jusqu’à Montfort-l’Amaury, certains parviennent à disparaître, les autres sont passés au fil de l’épée.
À Paris, dans le cimetière des Innocents, la floraison en cette matinée d’un arbuste d’aubépines, rabougri et desséché depuis plusieurs années, est considérée comme un signe divin. Les foules accourent voir le prodige : la petite fleur blanche est bien la preuve que Dieu Lui-même sourit au massacre des hérétiques !
Le peuple catholique de Paris se lance alors dans l’horreur, et chacun massacre son protestant, homme, femme ou enfant. La dépouille de Coligny, retrouvée par la foule, est émasculée puis plongée dans la Seine, où elle pourrit trois jours avant d’être pendue au gibet de Montfaucon. Partout, les cadavres sont lacérés, défigurés, car il est urgent de montrer que ce ne sont pas des humains que l’on détruit, mais des démons tentés par le Diable que l’on jette au fleuve comme des ordures, et les eaux de la Seine deviennent rouges… Le roi tente mollement de faire cesser la tuerie qui se poursuit durant plusieurs jours et se propage aux autres villes du royaume.
Combien d’innocents ont-ils trouvé ainsi la mort dans Paris ? Les estimations sont difficiles, mais les historiens estiment généralement à trois mille le nombre de victimes.
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Au cours des années suivantes, les tensions religieuses restent vives et quand il apparaît que le roi Henri III, qui va mourir sans descendance, pourrait céder le trône au protestant Henri de Navarre, c’est la colère chez les catholiques ! La Sainte Ligue et son chef, le duc Henri de Guise, ne peuvent accepter une telle perspective et mobilisent leurs forces. Le 12 mai 1588, tôt le matin, le roi, qui veut prévenir l’insurrection, fait entrer dans Paris les quatre mille gardes suisses cantonnés dans le faubourg Saint-Denis. Ils occupent les points stratégiques de la capitale – le Petit Pont, le pont Saint-Michel, le Marché Neuf, la place de Grève, le cimetière des Innocents –, et entourent le Louvre.
Le roi envisage de faire arrêter et exécuter les meneurs de la Sainte Ligue, mais la population parisienne se soulève pour défendre les chefs catholiques… Sous la houlette de la milice bourgeoise, qui représente les seize quartiers de Paris, artisans, marchands et étudiants prennent les armes. Hallebardes, arquebuses, épées, piques et faux se dressent dans Paris. Vers midi, la population bloque les artères de la ville en alignant des barriques remplies de terre ou de pavés… Ces obstacles, on les appellera des barricades. Des compagnies réfugiées dans le cimetière des Innocents ne parviennent plus à en sortir, d’autres sont immobilisées sur la rive gauche, des coups de feu sont tirés, des tuiles jetées des toits, une cinquantaine de Suisses sont tués et les corps jonchent les rues. Finalement, les soldats mercenaires, peu enclins à se faire trouer le ventre pour le roi, déposent les armes et, à genoux, implorent la grâce du peuple en armes.
— Bonne France !
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