Métronome
se ressaisit avant de se diriger vers la cathédrale Notre-Dame où un ultime coup de feu fut tiré.
En 1970, ajoutant à la place de l’Étoile le nom de Charles de Gaulle qui venait de disparaître, le gouvernement a mêlé dans un même souvenir le soldat anonyme de la Première Guerre mondiale et le fondateur de la France Libre.
Aujourd’hui, alors que les derniers Poilus ont disparu, toutes les victimes de toutes les guerres reçoivent chaque soir l’hommage de la flamme ravivée pour que jamais ne s’éteigne la mémoire.
Le long des Champs, la République a rendez-vous avec la patrie, l’honneur et l’armée dans le défilé des troupes du 14 Juillet. Est-ce pour cela que se sont tenus ici quelques rassemblements parmi les plus importants de l’Histoire de France ? Une houle infinie pour fêter de Gaulle et la libération de Paris en 1944, une autre pour exprimer l’attachement au Général le 30 mai 1968, une autre encore pour célébrer Zidane et la victoire de l’équipe nationale de football en 1998. Les époques changent, pas la majesté des lieux.
Mais les Champs-Élysées, encadrés à l’Étoile et au rond-point par le souvenir des guerres, s’ouvrent sur bien d’autres évocations où viennent s’amalgamer la politique républicaine et les grandes enseignes du commerce de luxe. Alors, suivons les pas de Sacha Guitry et, comme lui dans un film célèbre, remontons les Champs-Élysées…
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Face à la place de la Concorde, de l’autre côté de la Seine, le Palais-Bourbon, siège de l’Assemblée nationale, aligne ses douze colonnes corinthiennes censées répondre aux colonnes de l’église de la Madeleine dans un lointain face-à-face.
Le palais est construit en 1722 pour Louise de Bourbon, fille légitimée de Louis XIV et de la Montespan. Près d’un demi-siècle plus tard, le prince de Condé agrandit la luxueuse demeure et lui donne un style inspiré par le Grand Trianon de Versailles.
En 1795, la Révolution s’empare du palais qui, avec un hémicycle tout neuf, est affecté au Conseil des Cinq-Cents, c’est-à-dire à l’Assemblée législative. Le « perchoir », estrade sur laquelle siège le président de séance, est un rescapé de cette période révolutionnaire. Pour le reste, le Palais-Bourbon a subi de nombreux arrangements et modifications avant d’accueillir nos cinq cent soixante-dix-sept députés actuels.
Sa façade nord de style néo-classique date de Napoléon I er . Avec l’Empereur, les jeunes institutions sont soumises à un pouvoir sans partage. Régnant au palais des Tuileries, dont les jardins débouchent sur la place de la Concorde, Napoléon retouche Paris à sa gloire. Pour exalter les victoires de la Grande Armée, il lance la construction de l’Arc de triomphe de l’Étoile et, pour rendre hommage aux soldats, fait élever le temple de la Madeleine. Finalement, pour équilibrer l’ensemble, le Palais-Bourbon, rive gauche, est remodelé.
L’Histoire nous adresse parfois de curieux clins d’œil : ce bâtiment, emblématique de nos institutions républicaines, porte le nom le plus royal qui soit ! Mais c’est bien en tant que symbole de la République qu’il fut la cible privilégiée des manifestants en un temps où le régime parlementaire subissait encore les foudres de ceux qui rêvaient d’un pouvoir fort…
Le 6 février 1934, sur la place de la Concorde, face à la Chambre des députés, trente mille personnes se rassemblent et menacent de prendre d’assaut le Palais-Bourbon afin de mettre à bas une République entachée par les scandales. « Contre les voleurs, contre le régime abject », les militants de la droite extrême, royaliste, nationaliste ou fasciste, sont mobilisés. L’Action française, les Camelots du roi, les Jeunesses patriotes, la Solidarité française ont clairement pour objectif de renverser « la gueuse ». Les Croix de Feu, elles, sans doute majoritaires, regroupent d’anciens combattants en colère, mais sans ligne politique véritablement affichée. D’ailleurs, sous les ordres du lieutenant-colonel François de La Roque, elles se dispersent rapidement, laissant la place aux éléments les plus violents.
À la nuit tombée, des milliers de manifestants tentent de marcher sur le Palais-Bourbon, mouvement qui est à la fois l’expression d’une colère populaire et une tentative de coup d’État. Très vite, la Garde mobile apparaît débordée, elle tire dans la foule et les
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