Métronome
sont d’aucun secours et ne font qu’affaiblir le malade.
Au mois d’octobre, Dagobert demande à se rendre à Saint-Denis. Supportera-t-il le voyage ? Il faut éviter au roi d’être trop secoué, aussi est-ce dans un char tiré par deux bœufs, qui avancent à petits pas, que le souverain rejoint sa chère abbaye. Après quelques prières, Dagobert se fait ramener dans sa villa d’Épinay, à l’endroit même où il est né. Il ne se trouve ainsi pas trop loin de Saint-Denis, où il a décidé de se faire inhumer. Oh, il a bien hésité : trois ans auparavant, dans un premier testament, il demandait à reposer à Paris, en l’église Saint-Vincent-Sainte-Croix, auprès de son père. Il a finalement modifié ses dispositions, et veut maintenant gésir auprès de la tombe du saint martyr.
À Épinay, Dagobert règle encore les affaires du royaume. Mais quand on veut lui amener son fils Clovis (le futur Clovis II), qui n’a que quatre ans, le père se récrie :
— La vue d’un moribond n’est pas un spectacle pour un enfant, et je préfère qu’il garde de moi une belle image.
Le 19 janvier au matin, on découvre le roi mort dans son lit. L’abbé de Saint-Denis organise de somptueuses funérailles. On le lui reproche, car Dagobert a connu une vie privée dissolue : trois femmes, Gomatrude, Nanthilde et Wulfégonde, deux concubines connues, Ragnetrude et Berchilde, sans compter les aventures innombrables avec les servantes, les esclaves et les belles dames du palais… L’abbé fait la sourde oreille, il ne peut faire moins que d’enterrer avec faste l’homme à qui l’abbaye doit son existence et sa richesse.
À Épinay, les porteurs de sel font bouillir la dépouille et la salent fortement, rudimentaire méthode d’embaumement. Puis, suivant le droit de leur corporation, ils soulèvent le corps du roi et le transportent de son lit de mort jusqu’à sa tombe, à Saint-Denis. Dans l’église de l’abbaye sont réunis les Grands venus de toutes les régions du royaume… Arrive le palanquin sur lequel repose le roi. Le défunt est étendu, vêtu du manteau rouge de la royauté, les mains jointes dans une pieuse attitude.
Que lit-on sur la tombe de Dagobert ?
Au XIII e siècle, les moines de Saint-Denis voulurent rendre hommage au roi Dagobert en réalisant, pour sa dépouille, un tombeau exceptionnel. Mais la sulfureuse réputation du bon roi les fit trembler : Ils imaginèrent donc une sculpture un peu ambiguë et qui se lit dans la pierre comme une bande dessinée… L’âme du roi, figurée en enfant nu et couronne, est emportée en Enfer par les griffes des démons. Heureusement saint Denis, saint Martin et saint Maurice délivrent cette âme, la présentent au Ciel et lui permettent d’accéder au Paradis. Le message est clair : Dagobert aurait mérité l’Enfer, mais l’intercession des saints lui a miraculeusement ouvert les portes de la bienheureuse éternité. Ce tombeau très particulier est encore visible à Saint-Denis, près du maître-autel.
Après la mort de Dagobert, le royaume franc est à nouveau divisé, partagé entre les deux enfants royaux : Sigebert III, dix ans, qui reçoit l'Austrasie, à l’Est, et Clovis II, quatre ans, qui hérite de la Neustrie, au nord, et de la Bourgogne. Dès ce moment, et pour longtemps, le pouvoir réel est détenu par les maires du palais, qui émergent comme des super Premiers ministres décidant de tout.
Clovis II va d’ailleurs déserter Paris et s’établir dans sa villa de Clichy. Le palais de la Cité se transforme en coquille vide, que l’on ranime à l’occasion, quand il faut recevoir un ambassadeur ou réunir une grande assemblée. Ce pauvre Clovis prend alors place sur le trône, couronne posée sur sa longue chevelure, comme un vrai mérovingien. Ce grand benêt au visage empâté, qui porte un nom bien trop lourd pour lui, suit les événements sans mot dire et en ouvrant de grands yeux naïfs.
Et quand il entre dans sa capitale, les Parisiens sont bien étonnés : il ne traverse pas la ville à cheval, comme l'ont fait tous les souverains jusqu’ici : non, il se fait transporter dans une voiture tirée par quatre bœufs. En fait, le jeune roi, constamment malade, n’a pas la force de dominer une monture, alors il se résout à se faire traîner ainsi. Dans la population, on ricane et les Parisiens goguenards ont tôt fait de lui trouver un surnom taillé sur mesure : le roi fainéant ! Un
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