Métronome
sobriquet qui lui collera à la peau et à celle de tous ses descendants.
Une fois pourtant, Clovis II fait montre d’une volonté royale : alors que la famine décime Paris, il décide de reprendre à l’abbaye de Saint-Denis une vaisselle d’argent que le roi son père avait, jadis, offerte aux moines. Il vend ce trésor et peut ainsi acheter du blé qu’il fait livrer à la ville. L’abbé de Saint-Denis en est scandalisé ! Pour lui, il y a péché à retirer des richesses à l’abbaye…
D’ailleurs, le roi semble en vouloir un peu à Saint-Denis. Un jour, décidant qu’il fallait pour son oratoire personnel de Clichy une sainte relique capable de le protéger des tentations du Diable, il se rend à Saint-Denis, fait froidement ouvrir le tombeau du saint et, vlan ! d’un coup d’épée, tranche un bras du martyr. Puis s’en va, guilleret, avec son bras sous le bras.
Quelques mois plus tard, âgé de vingt-deux ans, Clovis II succombe après une mystérieuse langueur et les moines de Saint-Denis, qui tiennent à récupérer le bras de leur saint, font savoir que si le roi est mort fou et tellement jeune, c’est par châtiment de son terrible sacrilège… Le bras retrouve aussitôt la crypte de l’abbaye et Clovis II peut être inhumé près de son père.
En cette seconde moitié du VII e siècle, Saint-Denis voit ainsi son influence croître au point de devenir un concurrent de plus en plus sérieux pour Saint-Germain-des-Prés, qui reste la nécropole privilégiée des rois mérovingiens…
VIII e siècle
BASILIQUE DE SAINT-DENIS
L’ultime faste des rois
Parfois, le métro prend des chemins de traverse. Il permet alors de s’éloigner du cœur de Paris et nous incite à tenter une incursion hors des limites de la ville, dans sa banlieue, nouveau faubourg, Paris de demain. Le projet du Grand Paris est en marche ; avec le métro, il est déjà concrétisé. C’est d’ailleurs dans le « neuf-trois » tout proche que se dresse un des piliers majeurs de l’histoire de France et donc de Paris : le Stade de France avec les quatre-vingt mille supporters – dont moi – qui s’y sont déchaînés quand l’équipe de France a remporté la Coupe du monde de football en 1998.
Plus sérieusement, le vrai pilier de notre histoire se trouve un peu plus loin, dans la ville : c’est la basilique, qui était au cœur même de l’abbaye. Quand on approche de l’église, le style gothique de la façade peut paraître un peu massif, un peu lourd, presque de style roman : c’est tout simplement parce que vous avez devant vous la première église gothique de France, construite en 1136. Fortement restaurée au XIX e siècle, elle conserve néanmoins l’aspect voulu par son créateur, l’abbé Suger.
À l’intérieur, en revanche, c’est un enchantement, les colonnades se font aériennes et se dressent vers les voûtes avec une élégante légèreté. Les vitraux jettent des rais d’une lumière chatoyante qui vient jouer avec les formes et les habiller. Ici, le gothique prend de la hauteur, c’est sa phase rayonnante du XIII e siècle. Là encore Saint-Denis est pionnière, l’appellation « rayonnante » étant due aux rosaces qui ornent le transept.
Dans une pénombre à peine trouée par cette lueur diffuse, l’histoire de France nous attend. Ils sont tous là, ou presque, nos anciens rois. Bien sûr, les restes mortels des souverains ont disparu depuis longtemps, mais nous avons sous les yeux les mausolées construits par les hommes pour célébrer, à travers les siècles, la grandeur de la monarchie. Comment ne pas être saisi par ce champ éperdu de gisants, par ces siècles de royauté immortalisés dans le calcaire ou le marbre ? On les voit, on leur parle, on les touche, couchés pour l’éternité, mais fiers encore. Voici Dagobert, qui a fondé la nécropole, mais aussi Pépin le Bref, Robert le Pieux, Louis X, Charles V, François I er et les autres… Ils sont plus de soixante-dix à nous observer de leur regard fixe. Les tombeaux ont été profanés à la Révolution, mais la plupart des sculptures ont été miraculeusement protégées.
La crypte de la basilique aussi est un témoignage merveilleux des temps anciens. Le mausolée de saint Denis, premier pensionnaire des lieux, a été dégagé : on ne voit plus que l’emplacement vide de son tombeau. Autour de lui, des traces de la crypte du VIII e siècle de Fulrad, abbé de Saint-Denis, avec ses
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