Métronome
petites niches pour poser pieusement les bougies du souvenir. Un peu plus loin, on trouve une crypte du IX e siècle où ont été placés les cercueils de Louis XVI et de Marie-Antoinette après avoir été rapportés de la fosse commune de la rue d’Anjou à Paris. La visite est émouvante, c’est pour moi le lieu le plus symbolique de l’Histoire.
Où ont disparu les dépouilles royales ?
En 1793, la Convention décida de « détruire les mausolées fastueux de la monarchie qui sont à Saint-Denis ». Sous la conduite d’un commissaire en frac noir et chapeau à cocarde tricolore, les ouvriers défoncèrent le caveau des Bourbons. Trois lourdes dalles en barraient l’entrée et les pioches s’attaquèrent au mur épais qui résista plusieurs heures. Enfin, les pierres s’écroulèrent et les ouvriers pénétrèrent dans une longue crypte où reposaient cinquante-quatre cercueils en bois de chêne. Ils furent ouverts systématiquement. La moustache de Louis XIII fit sensation, le visage de Louis XIV apparut étrangement noir ; le corps en putréfaction de Louis XV dégageait une odeur atroce…
Bientôt, un face-à-face anachronique mit en présence l’incorruptible Robespierre et le bon roi Henri IV, assassiné cent quatre-vingt-trois ans auparavant. Le temps n’avait guère altéré les traits du monarque, mais la barbe carrée était devenue broussailleuse, grise, terne. Le corps entouré de bandelettes était appuyé, debout, raide, contre un pilier de l’église. Robespierre, sanglé dans sa veste au long col replié, les cheveux poudrés et ourlés en de parfaites boucles blanches, scruta la face royale dont les yeux restaient obstinément clos. Qu’était venu chercher l’instigateur de la terreur révolutionnaire dans cette rencontre défiant le temps ?
Soudain, mû par une impulsion irrésistible, Robespierre avança sa main vers la barbe du cadavre desséché et, d’un geste sec, en arracha deux poils. Avec application, il rangea ces reliques royales dans un petit portefeuille prestement enfoui dans le gousset de son habit.
Les quidams présents se déchaînèrent ensuite sur la dépouille. Une mégère souffleta le cadavre, un amateur de souvenirs arracha deux dents qu’il emporta, un soldat trancha d’un coup de sabre une belle touffe de la barbe. Finalement ; le corps du Vert-Galant, comme tous les autres, fut jeté dans la fosse commune située au nord de l’église, au niveau de l’actuel jardin Pierre-de-Montreuil.
Exhumés sous la Restauration, les restes royaux rongés par la chaux vive ont été pieusement replacés dans un ossuaire de la crypte.
On a beau être un roi fainéant, cette journée de novembre 751 est de celles que l’on préférerait ne pas revivre. Dans l’après-midi, une délégation de nobles et d’évêques se présente respectueusement devant le roi franc Childéric III et lui tient avec révérence un discours stupéfiant…
— La nation franque met fin au règne de Votre Sublimité et à la continuité de votre dynastie.
Childéric ouvre de grands yeux étonnés mais il n’a pas vraiment le temps de réagir : de gros bras se saisissent de sa frêle personne, l’assoient de force sur une chaise basse tandis que d’autres rudes gaillards, armés de ciseaux, s’appliquent à tailler sa longue chevelure, signe de l’autorité royale. Les mèches de cheveux clairs qui tombent silencieusement sur les dalles marquent la fin du règne des Mérovingiens.
Tonsuré à la hâte, Childéric est hissé sur une pauvre litière tirée par deux chevaux. Et fouette cocher, on se dirige au galop vers le nord, jusqu’à l’abbaye Saint-Bertin érigée sur une petite île de l’Aa. Pour le dernier des Mérovingiens, le monastère représente une retraite dorée, car la communauté est riche, capable d’honorer comme il le faut un roi déchu. Malgré tout, de solides murailles sont là pour rappeler que l’invité est un prisonnier. Un prisonnier qui ne sortira jamais plus de sa geôle.
Ce coup de force, qui a abattu la lignée royale, ne doit rien à l’improvisation ni à l’inspiration : il a été préparé de longue date. Pour cela, Fulrad, abbé de Saint-Denis, s’est rendu à Rome auprès du pape Zacharie, homme doux, juste et bon, mais aussi fin politique que l’on consulte dans les situations difficiles. Il s’agissait de savoir qui devait être roi des Francs, le terne Childéric ou le duc Pépin, qui, dans les faits,
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