Métronome
elle apportait en dot l’Artois. Philippe n’a jamais beaucoup aimé cette frêle jeune fille larmoyante, mais sa disparition efface tous les ressentiments. Pour la reine, Philippe exige des funérailles grandioses. Elles se déroulent dans le chœur de la cathédrale Notre-Dame et la dépouille est inhumée dans un caveau creusé à cette occasion.
Avant de partir pour la Croisade, le roi de France a encore d’autres tâches à accomplir. Il sait que Paris est quasiment une ville sans défense. Il y a bien les vieilles murailles de l’île de la Cité, mais l’agglomération s’est beaucoup développée sur les deux rives. En cas d’invasion, rien de vraiment dissuasif ne la protégerait. Et le risque n’est pas négligeable, Normands et Anglais menacent périodiquement le royaume de France. C’est à ce moment-là qu’est née l’idée d’une muraille vers le nord, sur la rive droite.
Philippe Auguste voit grand pour sa capitale. Il espère que la sécurité des nouveaux remparts attirera bientôt sur les bords de la Seine une population nombreuse, alors il trace pour cette ville réinventée un véritable plan d’urbanisme. À l’intérieur de la future enceinte, il imagine des espaces verts, des jardins dispersés entre les habitations à construire.
Après avoir désigné six bourgeois parisiens pour exécuter ses ordres durant son absence, le roi se rend à Saint-Denis où il reçoit avec solennité la bénédiction « du saint clou et de la sainte épine » et prend possession de la bannière semée de croix d’or, son signe de ralliement. Ainsi paré, Philippe peut s’en aller conquérir la Terre sainte.
Le 4 juillet 1190, le roi de France et le roi d’Angleterre se retrouvent à Vézelay. Ils cheminent ensemble le long de la vallée du Rhône où des foules enthousiastes saluent les deux grands monarques qui vont défaire le Sarrasin arrogant. Philippe embarque à Marseille, Richard continue vers Gênes…
Philippe Auguste reste loin de Paris et de son royaume durant près d’un an et demi ! Et pour quoi ? Pour rien. Pour lui, la Croisade se résume à six mois d’attente en Sicile, dans l’espoir chaque jour déçu de voir se calmer les tempêtes méditerranéennes, puis à un siège calamiteux de la ville de Saint-Jean-d’Acre, qui ne fait pas bouger d’un pouce les soldats de Saladin. Pour parfaire le tout, Philippe tombe malade. Gravement. Une forte fièvre le secoue, lui fait perdre ses cheveux et ses ongles, l’inflammation remonte à un œil, le ronge, éteint sa lumière… Philippe n’a plus qu’une hâte : quitter cette terre inhospitalière, rentrer à Paris, oublier ses rêves pieux. Il envoie des émissaires auprès de Richard Cœur de Lion pour lui demander de le défaire de ses engagements et de lui permettre de repartir au plus vite vers la France.
— Si le roi s’en va sans avoir accompli son vœu, déclare avec mépris le roi d’Angleterre, le déshonneur sera pour lui et la honte pour le royaume de France. Ce ne sera pas sur mon conseil qu’il agira de la sorte. S’il doit choisir entre mourir ou s’en retourner dans son pays, qu’il décide !
Pour Philippe, c’est tout décidé : il embarque à Tyr, laissant les croisés français sur place, à la disposition de Richard. Le roi qui arrive à Paris le 27 décembre 1191 n’est plus le fringant cavalier parti dix-huit mois plus tôt… À vingt-six ans, c’est un égrotant chauve et borgne, qui a approché la mort de près, qui a conscience du temps qui passe et qui veut agir pour construire quelque chose de durable.
Lorsqu’il rentre de sa navrante expédition, la construction de l’enceinte de la rive droite est sans doute fortement avancée, le roi poursuit dans cette voie et trace le pourtour de l’enceinte destinée à enserrer la rive gauche.
Pendant ce temps, Richard Cœur de Lion persiste dans sa Croisade. Il occupe le port de Jaffa, rétablit le royaume latin de Jérusalem, mais échoue dans sa tentative de prendre la Ville sainte. Finalement, pour mettre un terme à une aventure qui n’a que trop duré, il négocie une trêve avec Saladin et quitte la Palestine au mois d’octobre 1192. Les tempêtes le surprennent et son bateau vient s’échouer dans le port de l’île de Corfou. Capturé comme un vulgaire mercenaire, le roi d’Angleterre devient le prisonnier d’Henri VI, empereur germanique.
Cette situation fait le délice de Philippe Auguste : il tient en sa main
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